Zone rouge

Audi RS5 Coupé, Espèce menacée

Les coupés n’ont plus le vent en poupe. Et c’est encore pire pour les grosses cylindrées, littéralement étrillées par notre fiscalité en France. Une double bonne raison pour s’offrir un périple de plus de 1600 km à bord de la RS5 coupé, dernière représentante d’une race en voie d’extinction…

Texte et photos Thomas Riaud

En bref

Version coupé de l’A5
Variante « RS », V6 2.9 biturbo de 450 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 3,9 sec – 250 km/h
Prix (à partir de) : 95 570 € (hors malus de 40 000 €).

Les chiffres parlent d’eux-mêmes… Sur l’année 2021, la famille A5 ne s’est écoulée qu’à 1249 exemplaires en France, l’immense majorité revenant à la carrosserie Sportback, le coupé-berline à 5 portes (898 exemplaires). En creusant un peu plus, on voit que le cabriolet, grand classique emprunt d’élégance avec sa capote en toile, a séduit 255 acheteurs sur la même période. Quant au sublime coupé, qui est pourtant à l’origine de l’A5, il ne s’est vendu qu’à 96 exemplaires. En affinant davantage, il ressort que les versions RS, nantie depuis la seconde génération d’un fantastique V6 biturbo de 450 ch, se sont écoulées à seulement 15 exemplaires… dont 5 coupés ! Autant dire que je vais rouler dans une vraie rareté, mais ma joie est à relativiser, car ces chiffres, implacables, mettent en relief un désamour profond du public pour cette superbe voiture. Bien sûr, il y a les effets de mode, et peut-être que l’A5, jugée à sa sortie par Walter De Silva lui-même comme son ultime chef d’œuvre, a fait son temps. Aujourd’hui, la majorité des clients veulent prendre de la hauteur et ne jurent que par les SUV. Mais aussi – je le pense du moins – j’y vois là une conséquence directe d’une autophobie toujours plus acerbe en France. Entre le déploiement continu de nouveaux radars toujours plus vicieux, et une fiscalité écologique devenue folle, rouler chez nous en grosse cylindrée réclame d’avoir la foi.

Et de solides moyens, le malus écologique, fixé déjà au seuil maximum délirant de 30 000 € en 2021, est désormais passé à 40 000 € cette année. Et comme si cela ne suffisait pas, il va encore bondir de 10 000 € supplémentaires l’année prochaine, au 1er janvier 2023. Aux fous ! Clairement, ce malus qui n’a d’écologique que le nom est devenu un impôt confiscatoire, prouvant, qu’en matière automobile, la France est devenue en quelques années seulement un Etat communiste, où seuls les misérables déplaçoirs à 3 cylindres thermiques restent (encore) épargnés par cette folie. Un nivellement par le bas orchestré au plus haut niveau, visant à nous imposer, par tous les moyens, des voitures électriques dont on ne veut pas dans l’immense majorité ! Les choses étant posées, je mesure la chance, le privilège même, que j’ai de pouvoir conduire une telle merveille. Et un bonheur n’arrivant jamais seul, mon essai va prendre des allures de super-test, puisque pour les besoins d’un reportage pour votre magazine préféré je dois descendre à son bord depuis Paris jusqu’à Nogaro, puis revenir. Bon bah, y a plus qu’à !

Souffler n’est pas jouer

Difficile de rater ma mouture sur le parking, même dans la pénombre. Elle affiche un étincelant « bleu turbo », une livrée pour le moins osée et singulière qui tranche avec le pack esthétique noir (4850 €), étendu jusqu’aux jantes de 20 pouces optionnelles (2850 €). Bien sûr, il existe plus discret au nuancier, mais avouez que l’ensemble a de la gueule ! Sur le moment, je suis ravi, en me disant que cela va me permettre de faire de belles photos. Mais quelques minutes plus tard, je me ravise, en me disant aussi que je ne vais pas vraiment passer inaperçu sur l’autoroute, même de loin. Faire le bonheur des amateurs de belles voitures est une chose, mais devenir une « cible » visible à des kilomètres à la ronde de la part de snippers mal intentionnés, planqués derrière une pile de pont pour faire leur petit quota, en est une autre ! Une prise de conscience qui m’impose de rester raisonnable, en me calant au Coyote à un petit 160 km/h maximum, histoire de ne pas repartir à pied en cas de mauvaise rencontre. En attendant de gagner l’autoroute, je savoure de retrouver cette monture que j’apprécie particulièrement. Même si l’interface multimédia a pris un petit coup de vieux, tout reste remarquablement bien pensé, avec une ergonomie soignée et une finition qui force toujours le respect.

L’alcantara présent sur le volant où le pommeau du levier de vitesses aide à une parfaite prise en main, et les inserts en carbone apportent la touche de sportivité qu’on attend sur ce genre de voiture. Quant au cockpit virtuel, il présente comme sur tous les modèles RS un affichage spécifique, paramétrable à volonté, pouvant même afficher un indicateur de « G ». Et soucieux du confort de ses occupants, Audi a pensé à tout, y compris à intégrer un bras articulé qui vous apporte à portée de main la ceinture de sécurité dès que l’on ferme la porte. En revanche, question confort, mieux vaut être assis aux places avant, celles situées à l’arrière étant très limitée au niveau de l’espace aux jambes. Clairement, mieux vaut considérer ce coupé comme un 2+2 que comme un vrai 4 places, ce qui est rageant vu son gabarit dépassant les 4m70 de long. Voilà un défaut bien objectif, qui explique pourquoi la majorité des A5 vendues le sont désormais en carrosserie Sportback, bien plus pratiques à l’usage. Dès le démarrage, le V6 biturbo joue les grandes orgues, avec un grondement à l’échappement qui fait plaisir à entendre… mais pas bien longtemps, hélas, la sonorité redevenant bien sage dès que le starter automatique se coupe. La faute notamment aux normes européennes toujours plus sévères (et idiotes !), qui imposent désormais la monte de filtres à particules sur les modèles essence ! Et puis il faut bien avouer, que bien que très talentueux, ce V6 biturbo ne vaut pas, en bande-son, le bon gros V8 installé sur les premières RS5. Clairement, souffler n’est pas jouer !

Grand Tourisme selon Audi

Calé aux vitesses réglementaires – c’est-à-dire bien peu en RS5 – la consommation moyenne demeure toujours extrêmement raisonnable, en se stabilisant sous les 9 l/100 km à vitesse constante. Dans ces conditions optimales, où l’on joue la carte de l’écoconduite (en mode « efficiency »), l’autonomie promise approche les 500 km. Sauf que « dans la vraie vie », on est tenté de jouer de la boîte pour rétrograder au moyen des palets solidaires du volant, histoire de bien relancer le moteur dès qu’une « chicane mobile » s’est enfin rabattue sur la file de droite. Et là, en prenant les tours, on sollicite le premier turbo, puis le second, ce qui procure une belle allonge, mais fait grimper la consommation. Mais même dans ces conditions, celle-ci demeure assez raisonnable, en tournant autour des 13 l/100 km. Clairement, question efficience, le V6 biturbo marque des points comparé à l’ancien V8, qui malgré une puissance identique de 450 ch se montrait toujours invariablement glouton. Mais si bon !

Cela étant, outre une relative frugalité, il comporte bien des avantages ce V6 à injection directe. Il est en effet relativement compact, et donc bien plus léger que feu le V8 (-60 kg). Des caractéristiques qui permettent de limiter le sous-virage en conduite dynamique, étant donné que le train avant est moins chargé que d’habitude. Et question vélocité, il fait mieux que se défendre, croyez-moi ! Je ne suis vraiment pas fan des péages, mais j’avoue que la mise en orbite à chaque levée de barrière à quelque chose de jouissif, en ressemblant à un départ de Grand Prix ! Il faut dire qu’il explose littéralement les courbes du couple, en délivrant pas moins de 600 Nm dès 1900 tr/mn. Autant dire, presque dès le démarrage, l’excellente boîte ZF à 8 rapports se chargeant ensuite de passer chaque vitesse à la volée, surtout si vous avez pris soin de basculer en mode Dynamic, permettant d’affûter la machine ! Il en ressort des accélérations propres à vous coller au fond des sièges baquet en cuir (0 à 100 km/h en 3,9 sec… contre 4,5 sec sur la RS5 V8)… et à vous coller la banane tout court.

Après, en restant « soudé » sur l’accélérateur, la RS5 ne lâche rien. Elle est bridée à 250 km/h d’origine, voire 280 km/h avec le pack Dynamic optionnel de notre exemplaire d’essai (option à 1500 €), mais en insistant un peu, sur une belle autoroute de Bulkavie, ce beau pays où la vitesse est encore libre, j’ai pu personnellement pointer à 295 km/h compteur, signe que ce moteur ne manque de rien. Ah si, d’une sonorité plus communicative, et ce, malgré l’échappement sport optionnel (re-option à 1500 € !). C’est d’ailleurs agaçant de devoir rallonger autant la douloureuse sur une auto d’exception de ce type, dont le prix de base dépasse les 97 500 €. Car tant que vous y êtes, pensez à prendre la suspension pilotée (2400 €), mais aussi le différentiel arrière (1630 €), l’indispensable affichage tête haute (1190 €) ou encore, le toit tout en carbone, permettant d’économiser 3 kg, mais pas votre argent (4250 €). D’ailleurs, notre exemplaire d’essai, bardé d’options, s’affichait au prix vertigineux de… 131 690. Oui, il y a de quoi tousser !

L’avis d’Avus

Autant sûre en toutes circonstances que très performante, la RS5 est une superbe GT au long cours qui possède bien des qualités. A commencer par distiller un vrai plaisir de conduite, en pouvant envoyer 60% du couple sur les seules roues arrière, ce qui rend l’ensemble bien plus dynamique. Et outre une ligne sobre et de bon goût, la RS5 séduit autant par sa facilité de prise en main, que sa belle polyvalence, en se pliant à presque tous vos caprices. Mais à quel prix ! Car bien équipée comme il faut, une RS5 s’affiche désormais au tarif d’une Porsche 911 Carrera, une auto fabuleuse qui monte le curseur encore d’un cran dans tous les domaines… y compris en terme d’image de marque !

On aime

Ligne superbe
Moteur plein et volontaire
Comportement sûr et plaisant
Vraie GT

On aime moins

Tarif délirant
Options à rallonge hors de prix
Malus décourageant
Places arrière symboliques

Caractéristiques techniques : Audi RS5 coupé

Moteur : 6 cyl. en V, 2894 cm3, inj.directe et biturbo
Puissance (ch à tr/mn) : 450 à 5700
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 600 à 1900
Transmission : intégrale quattro, boîte Tiptronic à 8 rapports
Freinage : 4 disques ventilés (carbone-céramique en option)
Dimensions L x l x h (m) : 4,72 x 1,86 x 1,36
Poids à vide (kg) : 1655
Pneus : 265/35 R 19
Vitesse maxi (km/h) : 250 (280 en option)
0 à 100 km/h (sec.) : 3,9

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