Dossier spécial

Reportage Autostadt

Das Auto… stadt !

Si en France on fustige la voiture, en la rendant coupable de tous nos maux, c’est l’exact opposé en Allemagne ! Preuve en est avec cet incroyable Autostadt, un parc d’attractions conçu par Ferdinand Piëch, destiné à mettre en valeur les nombreuses marques du groupe Volkswagen. Une visite de ce lieu unique s’impose…

Texte et photos Thomas Riaud

En approchant de Wolfsburg, fief historique de Volkswagen, on repère de loin les quatre immenses cheminées de l’usine dressées vers les cieux. Constituée chacune de milliers de petites briquettes rouges, leur charme désuet intrigue, tant elles semblent sortir tout droit du film de Chaplin « les temps modernes » !

Il est certain que ce site industriel majeur construit sur les rives du Mittellandkanal, toujours en activité, aurait bien des histoires passionnantes à raconter. Du bombardement par les alliés le 11 avril 1945, à la reconstruction de l’Allemagne après-guerre, avec en fer de lance la production de la mythique Coccinelle sous contrôle anglais, puis de nos jours de l’incontournable Golf, le cœur de Wolfsburg bat depuis le 20ème siècle au rythme de l’automobile et de Volkswagen en particulier. D’ailleurs, plus de 50% de la population active locale est directement impliquée dans ce miracle économique qui ne semble pas connaître la crise. Et comme pour rendre hommage à cette formidable réussite, l’usine de Wolfsburg a aussi vu la construction, sur le terrain voisin, de l’incroyable Autostadt. L’Autostadt, c’est un concept unique, et c’est d’abord le pari complètement fou d’un homme : Ferdinand Piëch.

« Pour bien comprendre l’incroyable dimension de cet Autostadt, il faut d’abord bien comprendre Piëch »

Pour bien saisir l’incroyable dimension de cet Autostadt, il faut d’abord bien comprendre Piëch. Plus qu’un simple ingénieur automobile de talent (c’est lui qui a notamment conçu l’incroyable Porsche 917 des 24 H du Mans !), Piëch est aussi inventeur, chef d’entreprise, professeur d’université, constructeur mécanique, industriel et manager. Un profil dense et atypique mais finalement très cohérent, à l’opposé des technocrates ou énarques sans passion qui dirigent traditionnellement nos constructeurs automobiles, ce qui explique au passage en partie la réussite de VW. Mais fermons la parenthèse… Car au-delà de ce CV long comme le bras, notre homme est aussi quelqu’un qui a une revanche personnelle à prendre vis-à-vis de la famille Porsche, puisqu’on lui a toujours bien fait comprendre qu’il a été une « pièce rapportée », issue de la « mauvaise branche » comme il se plait à le dire lui-même.

C’est ainsi que l’ambitieux neveu que Ferry Porsche, sans doute trop dispendieux pour plaire à son oncle, s’est vite fait « remercier » pour avoir « gaspillé » autant d’argent dans le programme compétition de la 917, qui fut pourtant à l’époque un véritable triomphe.

Seul contre tous

En guise de traversée du désert, Piëch se voit confier à partir de 1972 le développement d’une petite marque sans envergure du nom d’Audi, une filiale intégrée au puissant groupe Volkswagen depuis 1965. Chez Audi, il y a tout à créer, et Piëch va pouvoir appliquer sans contrainte ses recettes, et imposer à tous ses règles de travail. Ce bourreau de travail, qui va jusqu’à concevoir des moteurs et redessiner lui-même les voitures, va être l’orfèvre de la mise sur orbite d’Audi dans le premium au début des années 80, en engageant la marque en rallye. Piëch refait ce qu’il a jadis fait avec Porsche, en utilisant la compétition au plus haut niveau pour promouvoir la marque à travers le monde. C’est ainsi que grâce à l’innovante quattro, impériale en rallye, Audi se trouve propulsé en un temps record au niveau de BMW et Mercedes !

Ceci n’est que l’acte fondateur de l’ogre Piëch, jamais rassasié ! Intégré au tout puissant directoire du groupe Volkswagen, le charismatique Dr Piëch va peu à peu imposer à tous sa vision de l’avenir. Et ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sont débarqués sans ménagement. Nommé président du directoire en 1988, il se sépare ainsi de 25 membres éminents, et exige de ceux qui restent d’adopter ses méthodes. Cela implique de se séparer de leur chauffeur pour tester eux-mêmes les voitures du groupe ! D’ailleurs, Piëch conduit personnellement toutes les autos produites (vite et très bien paraît-il !), et se fait même fabriquer une RS2 berline unique pour son compte personnel

Piëch pilote Volkswagen comme ses voitures : à fond et avec une précision redoutable. Lorsque le groupe VW est en crise en 1991, Piëch s’impose comme l’homme providentiel. Le bon Docteur va prescrire sur ordonnance un remède de cheval, mixant économies d’échelle et montée en gamme. Après les rachats de Seat et Skoda, il va rationnaliser la production et abaisser drastiquement les coûts en faisant en sorte que les marques partagent le maximum d’éléments techniques. Le 1er janvier 1993, Piëch prend la tête du groupe Volkswagen et poursuit son ascension fulgurante, en rachetant ensuite de nombreux constructeurs de prestige en difficulté.

C’est ainsi que Bentley, mais aussi Lamborghini et Bugatti passent sous le contrôle de Volkswagen. Cerise sur le gâteau : en 2007, Volkswagen lance une OPA sur Porsche… qui intègre à son tour le groupe ! C’est toute cette incroyable aventure, unique dans l’histoire de l’automobile, que raconte l’Autostadt. Une « ville de l’automobile » semblable à un parc d’attractions présentant assez d’aspects ludiques pour plaire aux enfants comme aux parents, qui ne perd jamais de vue la mise en avant des marques du groupe…

Audi, Seat, VW, Porsche et les autres

L’Autostadt est donc sortie de terre courant 2000, juste en face de l’usine de Wolfsburg. Le premier coup de génie commence dès l’entrée, puisque pour visiter ce complexe géant, à la gloire de Volkswagen, chacun doit s’acquitter d’un droit d’entrée de 15 € ! Cela étant, le client en a pour son argent, même si cette cité de l’automobile est essentiellement… réservée aux piétons. Passé l’immense hall vitré, on débouche sur les 28 hectares de l’immense parc paysager. Un lieu presque enchanteur, noyé de verdure et baigné par de multiples bassins, où sont dispersés les pavillons dédiés aux marques du groupe. Chacun d’entre eux a été conçu et imaginé par un architecte différent, si bien que l’étonnement commence par cette présentation hétéroclite où chacun tente d’éveiller la curiosité des visiteurs à travers un mariage souvent audacieux de formes et de matières

Parmi tous les bâtiments, certains attirent l’œil plus que d’autres, comme l’imposant pavillon Zeithaus, en fait une sorte de machine à remonter le temps qui présente aux visiteurs quelques piliers de l’automobile. Des voitures à l’importance historique, comme la Ford T, la Citroën DS mais aussi la… Coccinelle ou le Combi, sans oublier la révolutionnaire Audi quattro ou même l’étonnante Volkswagen K70, la première VW à traction avant et moteur refroidi par eau (bien avant la Golf !), qui fête cette année ses 50 ans !

Si au rez-de-chaussée on passe par une incontournable boutique, on sera en revanche plus surpris de voir un atelier de mécanique réservé aux enfants. D’ailleurs, de nombreuses animations leurs sont spécialement réservées. Et oui : en Allemagne, la voiture reste une affaire sérieuse et respectable, et la bonne éducation dans ce domaine de nos chères têtes blondes commence dès l’âge de 5ans, avec une initiation à la conduite au volant de mini New Beetle !

« I have a dream …

L’empire Volkswagen, c’est aussi le pavillon Lamborghini, où le spectateur se trouve plongé au cœur d’un show sons et lumières saisissant, mais également celui dédié à Bugatti, présentant une incroyable Chiron en aluminium poli dans un jeu d’éclairage tamisé très subtil. Chez Audi, l’expérience sensorielle est plus « techno », en vous faisant emprunter un tunnel qui vous plongera dans l’univers high-tech de la marque, tandis que le pavillon ultra-futuriste de Porsche, tout en métal argenté (notre préféré !), n’oublie pas de mettre aussi son riche passé à l’honneur. Le plus dingue dans tout cela, c’est que ce parc à la gloire des marques du groupe Volkswagen, en plus d’être payant, est un formidable outil marketing conçu pour vous faire dépenser un maximum d’argent durant votre séjour… y compris dans l’achat d’une voiture neuve

Des achats qui se font généralement en famille, comme pour accueillir un nouveau membre, ce qui donne lieu à des scènes surréalistes, dans une ambiance de film de science-fiction. Déjà, les voitures neuves sont là en attente dans d’immenses tours circulaires vitrées, semblables à des ruches transparentes. Elles sont parquées tout autour dans des « niches » individuelles, et au fur-et-à-mesure des commandes, un ascenseur central robotisévient les chercher, une à une. Le système entièrement automatisé, vient déposer ensuite l’auto délicatement sur un tapis roulant, qui l’achemine discrètement via un tunnel sous les allées de l’Autostadt, jusqu’au pavillon requis ! En surface, le spectacle est là encore étonnant, avec le va et vient continu de robots électriques autonomes, qui traversent tout le parc pour apporter à chaque livraison les plaques minéralogiques

Oui, nous sommes bien plongés dans un autre monde, aux antipodes de ce qui existe chez nous. Et s’il vous reste un peu de monnaie à dépenser, et l’envie de prolonger votre séjour dans cet endroit incroyable, vous pouvez toujours descendre à l’hôtel de luxe Ritz-Carlton Wolfsburg, devant lequel trône en permanence les dernières Bentley. Mieux vaut réserver, car l’Autostadt est aussi un lieu de spectacle et de concert permanent qui draine beaucoup de monde toute l’année, y compris les amateurs de gastronomie, la table étoilée étant très réputée. De retour en France, on se demande si on n’a pas rêvé tant le décalage est violent avec ce que l’on doit subir toute l’année. Alors on ferme les yeux, et comme ce bon Dr Piëch on se prend à dire « j’ai fait un rêve »…

Mille mercis à Adrien Boutrou et Leslie Peltier de VW France pour leur aide à la réalisation de ce reportage.

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