Essais

Audi RS4 : Matière grise

Concevoir un break sportif de plus de 400 ch relève d’une certaine démarche intellectuelle, hélas plutôt rare chez les constructeurs. Pas chez Audi, qui s’évertue à le faire depuis plus de 20 ans maintenant avec sa RS4, dont vous avez ici l’essai de la 4ème et ultime génération. Moteur !

Par Joseph Bonabaud, photos Thomas Riaud

En bref

4ème génération de RS4
Moteur V6 2.9 TFSI de 450 ch
Performances : 0 à 100 km/h en 4,1 sec – 250 km/h (autolimitée)
Prix : 95 500 € (prix du modèle essayé : 128 560 € hors malus de 40 000 €)

Qui a dit que toutes les sportives devaient être des voitures égoïstes, sans coffre et limitées à 2 personnes ? Certainement pas Audi, qui a été le premier à opérer un croisement improbable entre une sportive… et un break ! Une idée a priori loufoque qui a donné naissance à la RS2, un break construit en collaboration avec Porsche devenu depuis culte pour beaucoup de passionnés malgré sa faible diffusion (2891 exemplaires). Face à une réelle demande d’une clientèle avertie, le constructeur aux Anneaux a remis le couvert avec toutes celles qui ont succédé à l’Audi 80, les nouvelles A4. Dès fin 1999, celle qui fut baptisée fort logiquement RS4 (type B5), posait les bases du concept, en recevant un noble V6 gavé par 2 turbos (signé Cosworth cette fois), pour approcher les 400 ch (380 ch exactement).

Le tout étant servi par une transmission intégrale quattro, comme c’était d’ailleurs déjà le cas sur la RS2. En l’espace d’une vingtaine d’années, Audi a beaucoup appris, au point de se passer aujourd’hui des services des autres. Après avoir proposé des RS4 disposant de gros V8 (type B7 et B8), le constructeur est revenu en 2017 à ses premières amours en revenant au V6. Une solution technique signée, pour la première fois en son temps, Audi sport (et non plus quattro GmbH) qui permet de limiter le poids – mais pas la puissance – tout en limitant la cylindrée et les rejets de CO2. Enfin, visiblement pas assez pour nos technocrates français qui récompensent ces louables efforts d’un gentil malus porté à… 40 000 € ! C’est la peine maximale, et cela a de quoi légitimement refroidir plus d’un passionné. Pourtant, vous allez voir que cette Audi endiablée possède quelques arguments propres à vous réchauffer le cœur !

Garder la ligne

Excepté la RS4 B7 qui s’est risquée à faire un écart en se déclinant en berline et même en cabriolet, le concept est toujours resté fidèle à la carrosserie break, ce qui en fait toute sa singularité. La dernière mouture de RS4 (type B9) ne déroge pas à cette règle immuable, et il n’y a aucun risque de la confondre avec une simple A4 TDI. En tant que sportive surentraînée, elle a naturellement su garder la ligne, et même davantage, en puisant son inspiration dans le passé de la marque. Ecopes verticales au niveau des optiques façon Audi 90 IMSA GTO, prises d’air horizontales logées sous le capot comme sur la Sport quattro, et des ailes généreusement bombées comme sur l’ancêtre Ur quattro des années 80 lui confèrent une vraie gueule… 100% Audi ! Surtout que les hommes d’Audi sport en ont rajouté une louche supplémentaire, en la dotant d’une large calandre singleframe à nid d’abeille, de généreuses sorties d’échappement ovale, sans oublier de sublimes jantes de 20 pouces de couleur bronze, inspirées des dernières R8. Dans cette livrée gris Daytona nacré, le contraste est saisissant et c’est vraiment la grande classe !

Mais cette option Audi exclusive, associée à un pack esthétique comprenant des surpiqûres elles aussi « bronze » ont un coût permettant d’acheter une Dacia neuve : comptez… 13 450 € ! Oui, ça pique ! Plus essentiel, d’après nous, est l’adoption du « châssis sport RS plus » avec l’amortissement de type « Dynamic Ride Control » (DRC), vendu 2400 €, ou le système quattro avec le différentiel sport, qui rend la conduite bien plus vivante, facturé en sus 1650 €. Ajoutez quelques bricoles comme la bride de la vitesse maximale relevée de 250 à 280 km/h (1800 €), les sorties d’échappement sport RS qui vont bien (1500 €) ou encore l’indispensable affichage tête haute (1190 €), et vous avez là une RS4 qui affole autant le chrono que votre banquier en pointant à plus de… 128 000 €. Tout ceci sans compter, bien sûr, le malus bien de chez nous dont on se passerait, qui est désormais de 40 000 €. Oui, vous avez bien lu : plus de 168 000 € au final, c’est du grand n’importe quoi, notre RS4 ayant tendance, côté prix, à se prendre pour une RS6 ! Mais en a-t-elle l’étoffe ? Allons vérifier de ce pas…

Arsouille en famille

Dès le démarrage, la RS4 sait vous prendre par les sentiments, le starter automatique gavant en essence le V6 biturbo. Pas assez longtemps à mon goût, ce qui se ressent sur la sonorité à l’échappement, malheureusement moins prenante et sourde au bout de quelques secondes. Pourtant, le moteur est encore froid, comme l’atteste le compte-tours en forme de crosse, dont la zone rouge a été abaissée automatiquement à 5500 tr/mn, le temps que le bloc monte en température. C’est l’affaire de quelques kilomètres à allure paisible, la zone rouge retrouvant son niveau normal à plus de 7000 tr/mn, signe que l’on bien affaire à un moteur « qui en a dans le ventre ». D’ailleurs, ceux qui auraient encore un doute remarqueront, à droite de l’affichage numérique, un… indicateur de G ! Pourtant, on ne va pas partir enchaîner des vrilles et looping dans le ciel, mais rester sur le plancher des vaches. Et plutôt deux fois qu’une, la transmission intégrale quattro veillant au grain.

Et elle le fait bien, en digérant déjà tout le couple délivré sur les 4 roues. Et du couple, y en a, avec pas moins de 600 Nm dispensés dès 1900 tr/mn. Ca ne vous parle pas ? Sachez juste que notre familiale en tenue de jogging expédie le 0 à 100 km/h en à peine plus de 4 secondes. On regrettera juste un léger manque de réactivité de la boîte Tiptronic à 8 rapports, y compris en mode Dynamic, la transmission étant sans doute castrée par des normes antipollution toujours plus contraignantes. Cette chasse au CO2 explique également en partie la sonorité à l’échappement, plus sage qu’auparavant, des filtres à particules étant venus se loger dans les silencieux. Rassurez-vous, avec 450 ch dans l’écurie, il en reste bien assez pour doubler sereinement en famille les files de camions.

Et même les tripler si l’envie vous en prend, cette RS4 étant un véritable pousse-au-crime. Pourtant, sans forcer, on se retrouve vite… très vite, à des vitesses que la « bonne morale » (et les pisse-froids) m’interdit d’écrire ici. Disons que, de l’autre côté du Rhin, chez des gens normaux, on se trouve rapidement à croiser à plus de 200 km/h. Vous me direz qu’aujourd’hui, beaucoup de voitures peuvent le faire, y compris une modeste Renault Talisman de milieu de gamme. Oui, sauf qu’à cette vitesse, quand on appuie sur l’accélérateur, ça repart encore très fort, et que l’on a, en plus à bord, Madame, les enfants, le gros chien et les bagages dans le coffre. Et ça, avouez que peu de voitures peuvent en faire autant. C’est ça la magie RS4 !

 L’avis d’Avus

A sa sortie en 2017, la dernière RS4 était vendue au prix rondelet de 84 700 €, auxquels il fallait ajouter (déjà !) quelques 10 000 € de malus. Vous trouvez ça cher ? C’était pourtant une affaire, la même voiture étant désormais facturée en 2022, au bas mot… 95 500 € ! Je sais bien qu’on est en période de forte inflation, mais il y a de notre point de vue une forme d’abus sur les tarifs de la part d’Audi, et ce d’autant plus qu’il vous faudra inévitablement, malgré ce tarif astronomique, remettre encore la main au portefeuille, pour rajouter quelques options hélas « obligatoires ». Et notre fiscalité nationale n’arrange pas les choses, avec un malus écologique devenu fou, au point de dégoûter même les plus fortunés. Alors oui, clairement, cette Audi RS4 est une super auto, mais à ce prix délirant, on passera notre tour… pour voir plutôt ce qu’il y a en occasion !

Audi RS4 « B9 »

Moteur : 6 cyl. en V, 2894 cm3, inj.directe et biturbo
Puissance (ch à tr/mn) : 450 à 5700
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 600 à 1900
Transmission : intégrale quattro, boîte Tiptronic à 8 rapports
Freinage : 4 disques ventilés (carbone-céramique en option)
Dimensions L x l x h (m) : 4,78 x 1,86 x 1,40
Poids à vide (kg) : 1790
Pneus : 265/35 R 19
Vitesse maxi (km/h) : 250 (280 en option)
0 à 100 km/h (sec.) : 4,1

 

On aime

V6 brillant et performant
Dynamisme de conduite
Qualité de construction
Efficacité diabolique
Polyvalence générale

 

On aime moins

Poids encore important
Sonorité trop discrète
Place centrale arrière étriquée
Tarif décourageant…
Trop d’options chères et obligatoires
Malus assassin !

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