Essais

Audi S8 : Mi-ange, mi-démon

Ne vous fiez surtout pas aux airs débonnaires de cette statutaire A8. Car cette limousine affublée du logo « S » est capable de performances hors-normes. De quoi en faire la meilleure sportive Audi ? Peut-être…

Par Jack Seller, photos Joseph Bonabaud

En bref
Quatrième génération de S8
Moteur V8 4.0 biturbo de 570 ch
Carrosserie et structure tout en aluminium
Performances : 0 à 100 km/h en 3,8 sec – 250 km/h
Prix : 156 400 € (à partir de, hors options et malus)

Autant être franc dès le départ : je n’aime pas particulièrement les limousines, y compris la dernière A8. Ce genre d’automobile qui donne la priorité au confort à travers une surenchère d’équipements allant jusqu’au superflu – voir au ridicule – brille rarement par le bon goût et l’élégance. Lignes épaisses et abondances de chromes jusqu’à l’overdose font rarement bon ménage. Ceci est d’ailleurs de pire en pire depuis que la majorité de la clientèle est désormais basée essentiellement en Asie ou au Moyen-Orient. Et accessoirement, ces grosses berlines ultra-classiques sur la forme, avec leur ligne tricorps, me donnent l’impression qu’il faut nécessairement avoir l’âge de la retraite pour les conduire… ou bien être chauffeur de maître ! C’est le sentiment que j’ai en découvrant mon Audi, une A8 de quatrième génération que je trouve moins élégante… que les premières ! Si l’A8 des débuts brillait par une certaine sobriété, en apparaissant lisse comme un galet, l’actuelle et dernière mouture dévoilée fin 2017, première Audi signée par Marc Lichte, est au contraire lourde en apparence.

Bien sûr, les goûts et les couleurs, cela reste subjectif, mais sous n’importe quel angle, cette A8 ne brille pas par sa finesse, ni sa légèreté. Enfin, d’un point de vue purement esthétique, car sous la peinture se cache une structure et carrosserie entièrement en aluminium (principe Audi Space Frame), une exclusivité depuis toujours chez Audi, réservée à l’A8. L’avantage est double : offrir une meilleure résistance à la torsion que l’acier, mais surtout un poids moindre, ce qui génère un cercle vertueux. Car un poids contenu, c’est bon pour l’agilité, mais aussi les relances, la consommation et les rejets de CO2 ! Enfin, quand je dis « contenu », il faut le dire vite, la S8 pesant quelques 2,3 tonnes à vide sur la balance. Et bon, d’accord, quand on achète une S8, les rejets de gaz à effet de serre ne figurent pas parmi les premiers critères. Pourtant, notre grosse Audi ne ménage pas ses efforts pour réduire ses rejets polluants, en adoptant un moderne V8 doté du système CoD (Cylinder on Demand), qui désactive automatiquement la moitié des cylindres en roulant en faible charge. Mais comment rouler à « faible charge » avec un tel engin ? La question reste posée…

Le calme avant la tempête

En la voyant sur le parking, j’ai peine à croire que ce mastodonte, à la ligne statutaire bardée de chromes, puisse procurer du plaisir à son volant. Car même si la S8 n’a pas le physique d’un gros SUV, elle impressionne avec ses 5m71 de long, 1m94 de large et 1m47 sous la toise. C’est d’abord dans le détail que la S8 se démarque de l’A8 par une foule d’éléments qui lui sont propres. A première vue, on ne voit rien ou presque mais, en se penchant, on remarque la présence d’énormes roues de 21 pouces, abritant des disques dignes de 33 tours, des 16,5 pouces en carbone-céramique siglés Audi Sport. Et si l’avant reste presque sobre, avec sa large calandre spécifique à double barrettes en alu ornée sobrement d’un discret logo « S8 », l’arrière ne fait en revanche pas vraiment dans la subtilité, en exhibant sans pudeur 4 belles sorties d’échappement. Attention, il s’agit de vraies sorties ici, pas des factices comme sur un SQ5 ! Et tout ceci n’est pas là que pour flatter l’ego du propriétaire. Car, dès l’ouverture du capot, la S8 tombe le masque en laissant apparaître dans la salle des machines le V8 4.0 biturbo cher à Audi, un moteur de dingue que l’on retrouve d’ailleurs sur les RS6 et RS Q8, mais aussi les Bentley Bentayga et Continental GT, les Porsche Cayenne et Panamera, et même le Lamborghini Urus. Que du beau monde ! D’ailleurs, en découvrant sur le moteur les « cornets » montés en guise de filtres à air, directement inspirés de ceux que l’on peut voir en compétition, me voilà pleinement rassuré sur le caractère belliqueux de la bête. Pourtant, question puissance, la S8 ne monte pas le curseur aussi haut que ses camarades, puisqu’elle stagne à ‘’seulement’’ 571 ch…

Des chevaux qui se font d’ailleurs bien discrets à l’oreille dans ce luxueux écrin coupé du monde extérieur, sauf peut-être à froid, au démarrage, lorsque le starter automatique gave le V8 en carburant. Ce son rauque et guttural cadre peu avec l’aspect très rassurant et  ‘’bien comme il faut’’ de cette limousine, mais cet effet est hélas de courte durée. La S8 préfère vous cueillir autrement, en faisant preuve d’une douceur et d’une technologie inouïe, avec par exemple ces aérateurs qui se découvrent, en basculant sous les inserts de carbone. La finition, habituellement de très bonne facture sur les grosses Audi, est ici juste exceptionnelle, avec un soin tout particulier apporté au moindre détail. Cuir surpiqué, aluminium, appliques de type « black piano » composent un univers particulièrement luxueux, auquel il faut ajouter pour la touche high-tech le cockpit virtuel, mais surtout une console presque totalement numérique et tactile, même si Audi a sagement conservé quelques boutons physiques en guise de raccourcis, une formule intuitive que nous plébiscitons. Et ceux qui douteraient de l’avancée technologique de ce vaisseau amiral n’ont qu’à se livrer à un exercice simple : ouvrir la porte. La voiture se relève alors instantanément de 50 mm, ceci afin de vous aider à prendre place à bord ! Justement, ne vous faites pas prier : montez avec nous !

Comme un ouragan

Pour s’élancer, il suffit d’empoigner le sélecteur pilotant la boîte automatique à 8 rapports et de le verrouiller sur « D », puis de laisser glisser. C’est vrai que cet engin monté sur « coussins d’huile », en fait une suspension active et prédictive, donne l’impression de glisser sur la route. Chaque roue dispose d’une suspension pneumatique qui lui est propre, pour agir indépendamment l’une de l’autre afin de garantir une assiette constante, via une caméra frontale qui scanne en permanence la route. Cela donne parfois ses réactions surprenantes, la voiture gommant littéralement l’obstacle au point de donner l’impression de supprimer les dos d’âne. Bluffant ! La S8 est donc hyper-confortable, chose dont nous ne doutions pas en activant les sièges massant (chauffés et ventilés), voilà qui est fort bien. Mais question sportivité, ça dit quoi ?

Il suffit de basculer l’Audi drive select sur le mode « Dynamic » pour gagner en fermeté et en réactivité, puis d’écraser l’accélérateur. Il ne se passe rien. Rien pendant une demi-seconde, comme si la voiture réfléchissait et savait ce qu’il allait se passer. Et puis, pan ! Comme un coup de fusil qui claque, la S8 vous téléporte enfin dans une autre dimension. Dans une sonorité feutrée, étouffée par le double-vitrage, la S8 fonce à travers le paysage avec la volonté farouche de rapprocher ce qui vous sépare de l’horizon, tout en vous écrasant au fond des sièges en cuir. Il est vrai qu’avec seulement 3,8 secondes pour effacer le 0 à 100 km/h, la S8 ne fait pas semblant au point de faire jeu égal avec la toute nouvelle RS3. Pas mal pour une péniche de 2,3 tonnes ! Mais la S8 n’est pas seulement remarquable qu’en ligne droite. Dans les virages, elle étonne tout autant, en faisant preuve d’un dynamisme incroyable, plus proche de celui d’une GTI que d’une telle limousine. La fameuse suspension magique décrite plus haut y est pour quelque chose, en combattant efficacement les prises de roulis, en faisant en sorte de conserver une assiette constante dans les virages, permettant à l’auto de virer à plat. Et puis, il y a, bien sûr, le système quattro, livré ici d’office, toujours aussi pertinent et efficace dans sa répartition de la puissance sur les 4 roues. Enfin, il y a les roues arrière directrices, garantes d’une agilité hors pair, mais aussi d’un rayon de braquage fortement réduit, pour faciliter les manœuvres à faible allure. Le chauffeur appréciera. Mais de vous à moi, engager un chauffeur pour conduire un tel engin, ce serait gâcher !

L’avis d’Avus

Bipolaire. Voilà l’adjectif qui sied le mieux à cette étonnante limousine. Car côté pile, la docile et civilisée S8 sait effectivement transporter votre petite famille dans un confort souverain, et donne l’envie d’aller jusqu’au bout du monde. Mais une fois que vous aurez déposé vos passagers et que vous vous engagerez sur une route sinueuse, roulante et déserte, vous serez tenté de découvrir le côté face, la S8 devenant alors une super-sportive, incroyablement efficace, au point, d’après moi, de surclasser la… RS6. Il n’y a que côté tarif qu’elle fait jeu égal, en s’affichant à partir de 156 400 € hors options et malus, ce qui en fait également une Audi hors-norme. Mais pas que : c’est bien plus que cela, c’est « juste » une voiture d’exception.

On aime

Présentation intérieure fabuleuse
Performances incroyables
Efficacité diabolique
Confort, agrément de conduite exceptionnels
La meilleure Audi sportive !

On aime moins

Ligne peu élégante
Encombrement
Pousse au crime !

Caractéristiques techniques : Audi S8

Moteur : 8 cylindres en V, biturbo, 3996 cm3
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 571 à 6000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 800 de 2000 à 4500
Transmission : aux 4 roues (quattro), boîte Tiptronic à 8 rapports
Freins : Disques ventilés, étriers à 10 pistons (AV et AR)
Dimensions L x l x h (m) : 5,17/1,95/1,47
Poids (kg) : 2305
Volume du coffre (litres) : 505
Pneus AV/AR : 265/35 R 21
Vitesse maxi (km/h) : 250 (autolimitée)
0 à 100 km/h (sec) : 3,8
Émissions CO2 (g/km) : 258

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