Zone rouge

RS6 : Des bleus à l’âme

Regardez bien ce break incroyable, bodybuildé de partout. C’est la RS6 de quatrième génération, le break familial le plus puissant et rapide du monde. Une auto de dingue, motorisée par un fabuleux V8 biturbo de plus de 600 ch, qui vit hélas ses dernières années…

Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud

En bref
Quatrième génération de RS6
Moteur V8 4.0 biturbo de 600 ch – 800 Nm
Performances : 0 à 100 km/h en 3,6 sec – 305 km/h
Prix : 129 150 € (malus de 40 000 €).

Mangeurs de « Ron-Ron », de quinoa, bouffeurs de graines, petits minets précieux et maniérés adeptes de l’épilation intégrale, de crème, de botox et soins du corps, mais aussi végans et autres partisans de la « déconstruction », de l’écriture inclusive et promoteurs des « mobilités douces », vous êtes priés de passer rapidement cet article qui risque de faire saigner vos petits yeux. Car ici, on va parler de choses qui fâchent dans cette France de 2022, en causant, entre hommes, de puissance brute, de performances et de vitesse. Tout en même temps, puisque ces trois belles valeurs, de plus en plus remises en question dans cette société de bisounours, en plein déclin et devenue complètement folle, sont concentrées dans ce qui est probablement le break le plus fou jamais construit : l’Audi RS6 ! Et cela fait 4 générations que ça dure en plus. Une singularité dans le monde automobile – qui doit beaucoup au succès inattendu de l’éphémère RS2, qui voit le jour en 2002 avec l’A6 « C5 ». Un modèle dérivé de cette grande routière au style épuré tout en rondeurs, qui n’a pourtant aucunement l’intention d’arrondir les angles, puisqu’elle reçoit un V8 biturbo de 450 ch. Certes, c’est à peine plus qu’un TT RS d’aujourd’hui, mais à l’époque, ça posait son homme ! D’ailleurs, quelques 8000 amateurs de sensations fortes se sont laissés tenter jusqu’en 2004.

En 2008, Audi remet le couvert avec la génération d’A6 suivante (type C6), et double la mise en proposant sa nouvelle RS6 en break, bien sûr, mais aussi, pour la première (et dernière) fois, en berline. Et dans son élan, Audi s’est lâché au point de carrément glisser un énorme V10 biturbo sous le capot alignant ainsi 580 ch. Cela aussi, c’est une autre première du genre ! On aurait pu en rester là, car personne n’aurait osé porter plainte, mais en 2012, la nouvelle A6 du moment (type C7), remet les pendules à l’heure en revenant à certains fondamentaux : carrosserie break seulement d’une part, et gros V8 d’autre part, quoique d’une cylindrée raisonnable. Un 4.0 biturbo, développant d’abord 560 ch, puis 605 ch sur les ultimes versions Performance. C’est, a priori, la bonne formule qui sied à la RS6, puisque la toute dernière génération (type C8) commercialisée depuis 2020 en reste là. Enfin pas tout à fait, puisqu’elle abandonne 5 ch dans la course, pour plafonner à « seulement » 600 ch. Ah, vous voyez bien qu’Audi a fait des efforts sensibles pour sauver les ours polaires et la planète !

La gueule de l’emploi

Si vous êtes parvenu à convaincre Madame que ce gros break est « juste » la familiale idéale, alors bravo, vous êtes très fort, et vous pourrez probablement vendre des glaces aux esquimaux ! C’est vrai que, sur le papier, c’est bien un break, doté de 5 places (enfin 4,5 à cause de l’encombrant tunnel de transmission qui empiète sur l’espace aux jambes à l’arrière) et même d’un grand coffre : comptez 565 litres sous la tablette électrique, et même jusqu’à 1680 litres, banquette rabattue, lorsque vous allez chercher vos matériaux de construction chez Casto (je plaisante !). En tout cas, les courses et même votre gros toutou auront de l’espace à l’arrière… à condition de ne pas trop abuser de la pédale de droite, sous peine de tout coller contre le hayon ! Nous y reviendrons. Et tout cas, à propos de hayon, c’est ici la seule pièce de tôlerie, avec le toit et les portes avant, commune avec une A6 Avant « normale ». Le pire est que ça se remarque tout de suite, la subtilité étant une notion a priori absente du vocabulaire de la RS6.

Si les premiers modèles étaient du genre musclé, avec des ailes bombées, là, les ingénieurs d’Audi sport se sont visiblement lâchés au point d’élargir les voies, façon bodybuilding, de… 8 cm ! Une nécessité pour abriter des roues larges comme des tonneaux, du 21 pouces d’office, voire même du 22 pouces (avec des pneus de 285/30) comme sur notre sublime modèle d’essai bleu Navarre mat. Pour rester dans la démesure, sachez que ces jantes au dessin inédit abritent les plus gros disques ventilés en acier jamais montés sur une Audi de série. On est dans du lourd avec 420 mm à l’avant et 370 mm à l’arrière, des modèles en carbone-céramique de 440 mm allégés de 34 kg, proposés en option à 10 000 € (comme sur notre modèle d’essai), étant aussi disponibles, chose utile pour ceux qui envisagent d’arsouiller régulièrement avec un tel engin, frôlant les 2 tonnes à vide. Donc, pour résumer, la RS6 est d’une largeur XXL mais, techniquement, c’est pleinement justifié !

La face avant donne, elle aussi, dans le brutal, en devenant à elle seule une sorte d’énorme prise d’air béante, structurée autour d’une large calandre singleframe et d’un bouclier spécifique, au design très travaillé, comprenant de nombreuses ouïes, indispensables pour gaver en air frais le bouilleur planqué derrière. L’arrière ne fait pas non plus dans la dentelle, le bas du bouclier arborant une vague profilée, dans laquelle se nichent le diffuseur d’air et les immenses sorties d’échappement ovales. Elles sont si grosses qu’on pourrait y mettre le poing ! Clairement, sous n’importe quel angle, ce break outrageusement musclé sent la testostérone. Et la poudre, le tout mâtiné d’un parfum de scandale, au point d’affliger ce concentré de haute technologie d’un malus maximum porté à 40 000 €. Voilà ce qui est vraiment choquant : pas la RS6 en tant que telle, mais cette fiscalité idiote devenue punitive et confiscatoire, surtout que cette Audi déploie des trésors d’ingéniosité pour réduire son empreinte carbone !

Grand écart

Car avoir à disposition 600 ch ne signifie pas que vous allez les utiliser en permanence. Et oui : qui peut le plus, peut le moins. D’ailleurs, ce break est un étonnant adepte d’un surprenant grand écart, car il sait pratiquement se plier à toutes vos exigences et à tous les environnements… et aux contraintes de notre époque. Les inquisiteurs écologistes sont visiblement passés par là, ou du moins leurs nouvelles normes, au point de castrer la sonorité autrefois gutturale du V8. Il en reste bien un peu, notamment au démarrage à froid lorsque le starter automatique entre en action, mais cela ne dure pas bien longtemps malheureusement, la présence de filtres à particules étant certainement pour quelque chose dans cette perte soudaine de voix. Et ce noble V8 n’en oublie pas pour autant d’afficher une certaine éthique « éco-responsable », obtenue cette fois par une hybridation légère via un réseau de bord de 48V, permettant un gain de 0,8 l/100 km. Vu que le litre de super coûte désormais plus cher qu’une bouteille de Petrus, on prend !

Pour obtenir cette appréciable économie, ce bloc a le bon goût de couper à faible charge la moitié de ses cylindres (les n°2, 3, 5 et 8). Et toujours pour participer à cet effort écologique, le moteur peut même s’arrêter totalement entre 55 et 160 km/h durant 40 secondes, la batterie au lithium-ion assurant les fonctions essentielles. Bien sûr, cela se fait en toute transparence pour le conducteur durant cet instant ! Enfin un rapide mot tout de même pour évoquer l’intérieur. Sans surprise, il reste très proche de celui que nous connaissons dans les dernières A6, avec une habitabilité identique et une présentation au top avec de multiples écrans numériques sur la planche de bord. Audi sport est tout de même passé par là en repensant l’affichage de ces derniers, avec notamment des modes de conduite personnalisable « RS1 » et « RS2 », mais aussi un compte-tours en forme de crosse ou un indicateur de « g »… comme dans un avion de chasse ! Pour apporter une salutaire « touche RS » à la voiture, les sièges sport sont habillés de cuir gaufré et plein de petits détails viennent marquer leur différence, ainsi dans les seuils de porte siglés « RS »,   et au volant sport à méplat habillé d’alcantara. D’ailleurs, de l’alcantara il y en a partout, et ce, de l’habillage des montants au ciel de toit. Vous voyez, il y a même un peu de douceur dans cette RS6. Disons quelques grammes de finesse dans un monde de brute !

Douce brute

Parfaitement discrète et policée en milieu urbain, la RS6 sait presque se faire oublier en milieu urbain et se fondre dans le décor. Les gens la remarquent d’abord pour son look incroyable, à mi-chemin entre le break et la supercar, mais pas pour sa sonorité étouffée, y compris en mode Dynamic. Mais lorsque le pied droit entre en contact avec l’épaisse moquette, d’un coup, ce n’est plus la même histoire. L’incroyable V8 4.0 biturbo TFSI de 600 ch couplé à une boîte Tiptronic à 8 rapports (la seule requise pour digérer les quelques 800 Nm de couple délivrés de 2250 à 4500 tr/mn par ce moteur), va enfin sortir de sa torpeur. Signe d’une certaine inertie, il semble « réfléchir » une petite seconde, tout comme la transmission, qui se demandent l’un et l’autre si tout cela est bien raisonnable. Assurément non, mais cette latence est surtout due à une programmation de la boîte, pour limiter les rejets de CO2, ce qui nuit quelque peu à la réactivité de la voiture. Enfin, tout est relatif, car lorsque la puissance déboule, c’est en très haut débit !

Juste un chiffre : 3,6 secondes pour abattre le 0 à 100 km/h. Ce chiffre digne d’une super-sportive est bien celui de ce grand break familial de 5 mètres de long qui accuse quelques 2150 kg à vide sur la balance. Dingue ! Et il en va de même de la vitesse de pointe, tout aussi folle, puisqu’annoncée à 305 km/h avec le pack dynamique RS optionnel. Au-delà de ces valeurs hors-normes, il est important de souligner l’incroyable facilité de conduite de cet engin. Il est vrai que cette Audi bardée de technologie, permet d’affiner la conduite… et de repousser (un peu) les lois de la physique. Une prouesse qu’elle doit à sa suspension pneumatique adaptative (qui abaisse automatiquement l’assiette de la voiture à grande vitesse), mais aussi à ses roues arrière directrices (proposées en option), parfaites pour la transformer en négociante en virages… ou pour braquer dans un mouchoir de poche dans un parking. Et pour rendre la conduite plus enjouée, le différentiel central du quattro peut répartir le couple entre les trains roulants sur une plage allant de 70/30 à 15/85%, le rapport de 40/60% étant standard en conduite normale. En conduite normale, oui d’accord,  mais quand, en réalité, avec cet engin ? La question est posée…

L’avis d’Avus

J’ai eu deux plaisirs avec la RS6. Celui d’aller la chercher pour faire cet essai, et celui de… la rendre en parfait état, en ayant conservé mon permis ! Car, on ne va pas se mentir, ce break ultra-sportif à la polyvalence incroyable, capable de transporter toute une petite famille dans le plus grand confort, mais aussi en mesure de « faire la pige » à une Porsche Carrera, est un piège à permis. Sans abuser, on évolue sur voie rapide facilement 30-40 bornes au-dessus de la limitation de vitesse, à « 2 de tension », et dès qu’on se lâche un peu, on passe dans la catégorie « délinquant routier ». Résultat, au-delà de toute considération financière, conduire dans la France castratrice de 2022 un tel engin ne génère que de la frustration. Dommage, car la formule du bon gros break qui envoie du lourd est diablement séduisante. Comme le disait le regretté Oscar Wilde, « j’adore les plaisirs simples : ils sont le dernier refuge des personnes compliquées ».

On aime

Look démentiel
Performance hors-normes !
Polyvalence étonnante
Qualité de construction
Plaisir de conduite

On aime moins

Piège à permis !
Inadapté à la France (fiscalité, vitesse…)
Encombrement
Carrosserie très vulnérable
Consommation gargantuesque !

Caractéristiques techniques : RS6

Moteur : 8 cylindres en V biturbo, 3996 cm3, 32v
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 600 à 5700
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 800 à 2100
Transmission : aux 4 roues (quattro avec Torsen), boîte Tiptronic à 8 rapports
Freins : Disques ventilés, étriers à 4 pistons (AV et AR), disques carbone en option
Dimensions L x l x h (m) : 5,00/1,95/1,46
Poids (kg) : 2150
Volume du coffre (litres) : 565 (1680 en break)
Pneus AV/AR : 275/35 R 21
Vitesse maxi (km/h) : 250 (autolimitée, 305 km/h en option)
0 à 100 km/h (sec) : 3,6
Émissions CO2 (g/km) : 257

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