Collector

Audi 200 5T : Matière grise

Au milieu des années 70, Audi a encore tout à prouver, et un peu avant la fameuse quattro, le constructeur montre ses crocs avec cette étonnante 200 5T, qui fut juste en son temps la traction avant la plus rapide du monde !

Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud et DR

En bref
Modèle haut de gamme inédit
Commercialisation en 1979
Première introduction du 5 cylindres turbo
Puissance de 170 ch, vitesse maxi de 202 km/h
Production : 51 282 exemplaires.

Quand Ferdinand Piëch reprend les rênes de la jeune marque Audi au milieu des années 70, il y a presque tout à faire. Mais depuis 1965, année de sa résurrection par le groupe Volkswagen, il s’est déjà passé beaucoup de choses très positives, avec notamment l’introduction en 1968 de la statutaire berline 100, déclinée elle-même l’année suivante en un superbe coupé 100S, sans oublier le lancement très réussi, dans toute l’Europe, de la petite 80, élue « voiture de l’année 1973 ». Voilà qui est fort bien, mais Piëch voit bien plus loin et caresse l’espoir de venir concurrencer directement BMW et Mercedes. Autant dire qu’on en est très loin encore, car au milieu des années 70, même Opel est largement devant en terme d’image et de puissance, avec sa large gamme de coupés (GT, Manta et Commodore), sans omettre la grosse berline Admiral muée par un V8.

Un gros moteur, voilà ce qui manque à Audi pour porter une estocade. Mais plutôt que d’opter pour la voie classique du 6 ou 8 cylindres, Audi va se distinguer en s’orientant à la demande de Piëch vers un très original 5 cylindres. L’avantage est d’offrir davantage de couple (et donc de souplesse) qu’un 4 cylindres, tout en proposant un bloc plus léger et compact, mais aussi moins gourmand en carburant. Une solution technique innovante introduite sur la seconde génération de berline 100, lancée en 1976. La ligne, tirée au cordeau, apparaît comme rassurante et moderne, et le public salue l’agrément du 5 cylindres à injection. Un moteur 2.2 litres plein d’allant et bien né, mais avec une puissance limitée à 136 ch, on est loin d’affoler les chronos. Piëch va alors avoir une idée de génie : faire deux fois mieux que sur la 100, pour en faire une… 200 !

100 x 2 = 200 !

Les plus observateurs reconnaîtront en découvrant cette 200 un profil et notamment une cellule centrale commune, mais aussi un gabarit très similaire, la « grosse » 200 ne mesurant qu’un petit centimètre de plus en longueur, pour plafonner à 4m70. Pourtant, elle paraît bien plus grosse. Il est vrai que si aucun effort particulier n’a été fait sur l’arrière, élégant et toujours doté de grands feux horizontaux, Audi a surtout revu profondément tout l’avant. Cela passe par l’introduction d’un nouveau faciès bien plus expressif, constitué d’une calandre 4 phares spécifique, un spoiler venant se nicher sous le gros pare-chocs enveloppant. Et pour bien asseoir la voiture, Audi lui a greffé d’emblée de belles jantes en alliage au dessin exclusif, constitué de petits bâtons. Et un détail visible sur la calandre interpelle, un discret logo « 5T ». Un petit logo presque insignifiant qui change pourtant tout, voulant dire que le 5 cylindres 2.2 se voit ici adjoindre les services d’un… turbo ! Nous ne sommes qu’en août 1979 quand Audi dévoile officiellement son nouveau vaisseau amiral, et à l’époque, rares sont les autos de série à pouvoir se prévaloir de cette technologie encore novatrice, les pionniers se limitant alors à BMW, Saab, Porsche et… Renaut. Et donc Audi, qui entre dans la danse, en ayant greffé un gros turbo KKK sur son 5 cylindres, une suralimentation qui permet de faire bondir la puissance de 136 à… 170 ch !

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Audi en profite aussi pour soigner davantage l’habitacle, en le dotant d’une superbe sellerie constituée d’un épais velours. Pour agrémenter le confort à l’arrière, chaque siège bénéficie de petits coussins individuels, mais également d’appui-têtes ! C’est à tous ces petits détails que l’on sent que nous sommes à bord d’un vrai haut de gamme. En effet, les petites attentions qui font la différence ne manquent pas, à l’image des cendriers intégrés dans les portes arrière, chacun bénéficiant en plus d’un allume-cigare. La dotation de série apparaît comme elle aussi particulièrement complète, avec des vitres et rétroviseurs électriques, le dégivrage arrière, une montre électronique nichée au niveau du rétroviseur intérieur, des antibrouillards et même, chose rare à l’époque, un ABS déconnectable disponible à partir de 1981 ! Enfin, derrière le gros volant estampillé « turbo » prend place une instrumentation complète, aussi claire que lisible, avec 240 km/h en vitesse maxi et une zone rouge débutant à 6500 tr/mn. Assurément des marques qui imposent un certain respect à l’époque !

Seule au monde

Les chiffres indiqués par les compteurs ne sont pas là que pour faire joli ou flatter l’égo du conducteur. Ils sont assez proches de la réalité ! Car grâce à son tempérament de feu et à un poids relativement contenu – de l’ordre de 1280 kg, soit moins qu’une Clio actuelle – l’Audi 200 5T sait filer à plus de 200 km/h chrono, un mur symbolique pour le moins élevé atteint par peu de berlines à l’époque. Et accessoirement par aucune traction avant, ce qui permettait à l’Audi 200 d’être seule au monde et de s’adjuger au passage un petit record personnel.

En ce qui me concerne, je vais juste me contenter d’essayer religieusement cet exemplaire immaculé totalisant à peine 84 000 km, et éviter de claquer un chrono avec cette respectable grand-mère totalisant plus de 40 ans d’âge. Pour une auto, ça commence à compter ! Mais vous remarquerez que « mon » Audi 200, issue elle aussi des réserves du constructeur, est hélas affublée d’une boîte automatique à 3 rapports. Quelle drôle d’idée, alors que la plus classique boîte manuelle à 5 vitesses, montée majoritairement à l’époque sur la 200, est si agréable à l’usage. Un agrément que l’on ne retrouve hélas pas sur cette « boitoto » d’un autre âge, qui en plus de se montrer peu réactive, semble gommer une partie de la puissance disponible. Elle n’est pas plus mauvaise de ce qui se faisait à l’époque, mais pas meilleure non plus. A oublier !

Dommage, car même aujourd’hui, l’Audi 200 continue de charmer son conducteur. Confort, sécurité et sérénité font bien partie du voyage. Et ce moteur, quel morceau ! Le bruit feutré du 5 cylindres devient vraiment entêtant – mais dans le bon sens du terme – passé le seuil des 3000 tr/mn, là où le turbo entre en action pour sublimer son rendement. Les mises en orbite ne sont pas violentes, mais plutôt progressives, avec docilité et souplesse, les accélérations se montrant toniques mais sans brutalité. Un tempérament qui convient parfaitement au train avant, qui doit gérer tout seul la motricité et la direction, la révolutionnaire transmission quattro n’étant réservée qu’à un étrange coupé haut de gamme, présenté en mars 1980 au salon de Genève ! Car oui, en l’espace de moins de 10 ans, Audi est devenue une marque premium et valorisante, faisant le bonheur d’une clientèle avertie, avide de rouler dans une auto de qualité, à la technologie différente. Mais chut, je ne vous ai rien dit !

L’avis d’Avus

Cette ambitieuse berline 200 reste une auto historique à bien des égards. En effet, elle aura été, pour Audi, véritablement une première pierre jetée dans le jardin de BMW et Mercedes. Un pavé même. Car nul doute que son fantastique 5 cylindres « turbo » a dû donner du fil à retordre à bon nombre d’automobilistes sur les autobahn, incapables de suivre le rythme de cette Audi endiablée. Et les rares qui y seront parvenus – au prix sans doute d’efforts élevés – auront probablement déposé les armes face à la révolutionnaire quattro, qui héritait du moteur de notre berline, mais avec encore 30 ch de plus ! Une démonstration de force effectuée de « 100 à 200 » en un temps record, signée une fois de plus par le redoutable Dr Piëch.

On aime

Look sympa
Habitacle vaste et douillet
Agrément mécanique
Performances actuelles
Qualité de fabrication
Cote encore abordable

On aime moins

Rare en bel état d’origine
Boîte auto peu réactive

Caractéristiques techniques : Audi 200 5T (1981)

Moteur : 5 cylindres, 2144 cm3, avec turbo
Alimentation : gestion électronique Bosch
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 170 à 5300
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 265 à 3300
Transmission : roues avant, boîte méca à 5 rapports
Suspension AV : Pseudo McPherson, barre stab
Suspension AR : Pseudo McPherson, barre stab
Freins : 4 disques ventilés (ABS dès 1981)
Dimensions (L x l x h) : 4m70 x 1m77 x 1m39
Poids : 1280 kg
Pneus (AV / AR) : 205/60 HR 15
Performances
Vitesse maxi (km/h) : 202
0 à 100 km/h : 9 sec

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Rechercher une voiture