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Reportage Audi aux 24 H du Mans, Dé-Mans !

Avec pas moins de 13 victoires au compteur, Audi a marqué d’une empreinte indélébile la plus mythique course au monde. A l’occasion des 100 ans des 24 H du Mans, une parade réunissant les modèles victorieux a été organisée, de même qu’une somptueuse exposition au musée attenant. Retour sur cette fabuleuse histoire…

Par Jack Seller, photos Joseph Bonabaud

 

En travaillant chez Porsche, Ferdinand Piëch a appris une chose essentielle : c’est en s’engageant au plus haut niveau en compétition que l’on valide des solutions techniques innovantes, et que l’on peut en plus faire connaître du grand public sa marque. C’est exactement cette stratégie que Piëch a mise en place lorsqu’il s’est retrouvé à la tête de la jeune marque Audi, encore quasi-inconnue du grand public dans les années 70. Mais les victoires éclatantes d’une certaine quattro durant les années 80 en rallye, puis en supertourisme durant les années 90, vont durablement changer la donne ! A l’aube des années 2000, Ferdinand Piëch n’est plus le responsable direct de la destinée des 4 Anneaux, mais en tant que membre influent et incontournable du directoire du puissant groupe Volkswagen, il garde la main et valide les orientations stratégiques données à sa marque de cœur. On ne sait pas exactement dans quelle mesure il a porté l’engagement d’Audi en endurance, une discipline alors inédite pour la marque, mais il est certain que sa parole a été décisive.

Cette sublime aventure humaine et technique débute officiellement en 1999, avec deux programmes différents déclinés autour d’un inédit prototype R8, deux R8R préparées par le team Joest (qui est une barquette), et deux R8C engagées par le team Audi UK (qui est un proto fermé). Cette première participation, indispensable pour apprendre, sera riche en enseignements. Et prometteuse, la R8R s’adjugeant les 3ème et 4ème places ! Décision est donc prise de porter tous les efforts sur cette barquette, qui prendra sobrement le nom de « R8 ». Bonne pioche, car avec le Dr Wolfgang Ullrich aux commandes d’Audi Motorsport va suivre une décennie magistrale. Avec à la clé l’engagement de voitures très différentes au fil des éditions, inaugurant de nouvelles technologies que l’on retrouve sur les modèles de série. J’en profite pour souligner ce point, car de trop nombreux imbéciles (qui ne lisent pas Avus) pensent que la compétition automobile est un sport de riches qui ne sert à rien. S’il est évident que cela réclame de solides moyens financiers, c’est par le sport auto que sont nées de sacrées trouvailles technologiques, utiles à tous aujourd’hui. Et les épreuves d’endurance, à commencer par les 24 H du Mans, furent et restent un formidable laboratoire à ciel ouvert pour la majorité des constructeurs !

Montée en puissance

C’est donc avec de solides espoirs qu’Audi revient en 2000, en alignant sur la ligne de départ trois R8. Elles sont équipées d’un V8 3.6 litres dotés de la technologie FSI (injection directe d’essence). Avec cette auto, Audi réalise carrément un triplé, un certain Tom Kristensen parvenant à se hisser sur la plus haute marche du podium (aux côtés de Franck Biela et Emmanuel Pirro). Les deux années suivantes, on prend les mêmes et on recommence : Audi entre dans la légende du Mans !

L’année 2003 marquera une pause dans le hold-up d’Audi, puisqu’à la demande de Piëch seul Bentley est engagé, ceci afin de relancer cette noble marque britannique… rachetée par Piëch un peu plus tôt (et toujours dans le groupe Volkswagen) ! Sur le papier il s’agit d’une Bentley Speed, mais dans les faits, c’est une R8C (donc un proto fermé) fortement modifiée. Elle va s’imposer (avec Kristensen au volant) devant les trois Audi R8 vieillissantes, qui s’adjugeront au mieux les 3ème et 4ème places. Après ce coup marketing, Bentley se retire et Audi revient en force pour s’imposer, une fois de plus, en 2004 avec… Kristensen au volant. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas forcément puisqu’à partir de 2006 Audi change de braquet pour s’engager à la surprise générale avec un proto… diesel.

Développée par le team Joest, cette nouvelle voiture baptisée R10 reste une barquette, mais elle étrenne un gros V12 5.5 litres TDI de 650 ch (et 1100 Nm de couple !), un bijou de hautes technologies conciliant puissance et sobriété, permettant d’exploser le record du tour (13 km 650) en seulement… 3’30’’466 ! Evidemment, Audi s’impose à nouveau (et signe la première victoire d’un diesel au Mans), mais Kristensen doit cette fois apprendre à partager un peu, en se contenant de la 3ème place, la seconde étant brillamment occupée par la barquette C60 du grand Henri Pescarolo. L’année 2007 restera dans les mémoires avec un duel au sommet avec Peugeot (qui engage un proto HDi). Sur les trois protos Audi, seule la numéro 1 parviendra à finir l’épreuve, à la première place, les deux autres devant abandonner après des sorties de piste. Pour l’édition suivante, Audi prouvera que cette fragile victoire ne devrait rien au hasard, puisque la R10 s’imposera une fois de plus avec le trio Cappelo – McNish et… Kristensen ! Ce sera la dernière sortie de la R10 TDI, le règlement dicté par l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) évoluant sensiblement. Pendant que la R10 TDI va prendre une retraite bien méritée, Audi concocte un sport-prototype encore plus ambitieux.

L’avance… et la gagne par la technologie !

Ce nouveau prototype, engagé comme les précédents dans la catégorie reine des LMP1, prend le nom de R15. L’auto demeure fidèle au TDI mais passe à un V10 plus compact et léger, et elle est jeune, mal née, et reste à « déverminer », si bien que sur les trois exemplaires engagés, seule la numéro 1 franchira la ligne d’arrivée, en devant se contenter de la 3ème place, laissant Peugeot enfin s’imposer à domicile. Si 2009 est à oublier, l’année suivant est en revanche à la hauteur des espoirs d’Audi, qui revient avec des voitures sensiblement améliorées. Les pilotes ont remonté aux ingénieurs des informations essentielles, assez pour modifier en profondeur la voiture qui prend alors le nom de R15+ histoire de bien marquer son évolution, avec une aérodynamique repensée dès le châssis. Assez pour écraser Peugeot et le reste de la concurrence, au point de réaliser, comme à la belle époque, un nouveau triplé ! Le slogan « Le Mans, home of quattro », prend tout son sens.

Le règlement évoluant à nouveau, en favorisant le down-sizing (réduction de la cylindrée), Audi est contraint de revoir sa copie. Cela donne la R18, motorisée par un compact V6 TDI 3.7 litres associé à une boite S-tronic à 6 rapports. Malgré sa technologie novatrice, l’auto s’imposera avec le trio infernal Fässler-Lotterrer-Tréluyer, mais de justesse, avec seulement 800 m d’avance sur une meute de quatre lionnes lancées à ses trousses ! Il n’empêche, 11 ans après son engagement dans la discipline, Audi signe là sa dixième victoire ! La révolution se poursuit en 2012, le constructeur engageant cette fois les ambitieuses R18 e-tron quattro. Outre une aérodynamique retravaillée, la voiture se distingue par sa motorisation hybride très élaborée. Là encore, le même équipage parviendra à occuper la première place au final, et Audi marque l’histoire en faisant triompher une hybride ! Et vous savez quoi ? Au risque de paraître monotone, Audi parviendra encore à s’imposer en 2013 et 2014, signe que le « treize » n’est pas maudit, mais bel et bien un porte-bonheur !

Après 13 victoires en 18 participations, nul doute qu’Audi a connu un taux de réussite exceptionnel, permettant à la marque aux Anneaux de briller encore longtemps dans le cœur des fans. Et de prouver que « l’avance par la technologie » n’est pas qu’un simple slogan marketing. Pourtant, malgré cette incroyable moisson de victoires, le 26 octobre 2016, suite à l’éclatement du dieselgate, Audi s’est retiré du FIA World Endurance Championship (WEC). Un retrait malheureux qui a bien failli n’être que temporaire, le constructeur envisageant d’y retourner pour cette édition du centenaire, au point d’avoir développé de nouveaux prototypes. Mais le dispendieux engagement en F1, annoncé pour 2026, a mis un coup d’arrêt brutal à ce come-back historique. Dommage, l’affiche aurait été belle…

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