Zone rouge

Audi R8 GT, Baroud d’honneur

Lancée en 2006, la supercar Audi, la R8, arrive à travers cette seconde génération au bout de sa carrière. Pour célébrer son départ, les hommes d’Audi Sport se sont fendus de cette série limitée à 333 exemplaires, baptisée GT. Une version d’ores et déjà collector, qui annonce la fin du fantastique V10, que nous avons pu essayer…

Par Thomas Riaud, photos DR

En bref

Ultime version de la R8
Version « GT » produite à 333 exemplaires pour le monde
Aérodynamique modifiée, roues arrière motrices seulement
Moteur V10 5.2 FSI de 620 ch
Prix : 245 000 € (hors malus et options)

Que grâce lui soit rendue ici. Je fais allusion à Ferdinand Piëch, qui n’a eu cesse, durant toute sa vie de brillant ingénieur, de se surpasser ( lui et ses équipes), pour nous livrer d’extraordinaires voitures. La Porsche 917, c’est lui, la Bugatti Veyron également, et en ayant principalement fait sa carrière chez Audi, il nous a légué quelques modèles fascinants qui, sans son approbation, n’auraient jamais vu le jour. Tous ont largement contribué à l’image d’Audi, et à hisser la marque vers les sommets de l’excellence. Outre la révolutionnaire Ur quattro, la Sport quattro ou la RS2, on peut notamment citer la R8, qui reste à ce jour l’Audi la plus dingue jamais produite. Son existence tient beaucoup aux Lamborghini Gallardo, puis à l’Huracan, la firme italienne ayant été rachetée à la fin des années 90 par… Piëch !

Si cet homme providentiel – dont l’ambition n’avait pour égal que l’amour des belles mécaniques – n’avait pas pris en charge la destinée d’Audi dès le milieu des années 70, bien difficile de dire où en serait aujourd’hui la marque aux Anneaux. Ceci n’engage que moi, mais certainement pas à ce niveau. Et on peut dire que la formidable R8, véritable première supercar Audi (si on excepte la confidentielle Sport quattro développée pour des raisons d’homologation en rallye), est une sorte d’aboutissement, le bouquet final à une carrière bien remplie. Mais ce bel héritage est malheureusement en passe d’être dilapidé, ou plutôt sacrifié par tous les pisse-froids et obscurs technocrates qui dirigent l’Europe, au nom de l’écologie. Il semble d’ores et déjà acté que, si une troisième génération de R8 voit le jour (rien n’est moins sûr), celle-ci sera partiellement – voire totalement – électrifiée.

Un beau gâchis pour qui a déjà eu la chance d’entendre les envolées lyriques de son V10 5.2, dépourvu de toute suralimentation artificielle. Ce moteur-là, à mettre au Panthéon des plus belles mécaniques, ce n’est rien que du bio, un paquet de muscles délivrant dans ses versions les plus sages quelques 540 ch (RWD). Pour dire adieu comme il se devait à cette Audi emblématique qui s’est hissée au niveau de Porsche ou Ferrari, il a été heureusement décidé de sélectionner la mouture la plus féroce, développant quelques 620 ch. Et pour écrin, c’est une R8 Coupé produite à seulement 333 exemplaires pour le monde (dont 26 réservés à la France), qui a été sélectionnée. Son nom, véritable ode au Grand Tourisme, est « GT », et vous allez voir qu’elle est bien plus qu’une simple série spéciale…

Pro… pulsions !

Question look, cette variante GT posée sur d’énormes jantes forgées spécifiques de 20 pouces se démarque nettement des autres R8 en ayant droit à un pack aérodynamique pour le moins spectaculaire. L’avant reçoit sur le bouclier des ailettes latérales, tandis que l’arrière se coiffe d’un énorme aileron fixe en carbone, tout ceci étant destiné à renforcer l’appui, quitte à sacrifier un peu en vitesse de pointe. Rassurez-vous, il en reste bien assez pour se faire plaisir. « Plaisir », voilà le mot qui caractérise au mieux cette R8 GT, a fait le choix surprenant de n’être livrée qu’en stricte propulsion, elle qui s’est faite le chantre du quattro durant la majorité de sa carrière. Allégée de 20 kg grâce à grand renfort de carbone par rapport à une R8 RWD (Rear Wheels Drive), la GT se veut ainsi un peu plus agile. Plus stable et radicale aussi, avec son châssis soigné aux petits oignons, même si son habitacle demeure un savoureux cocktail entre sport et Grand Tourisme. La GT se réserve de sublimes sièges baquets ultrafins (mais pas inconfortables), donnant l’impression de faire corps avec la machine.

L’habitacle, à la finition parfaite, reste très vaste pour deux occupants de bonne corpulence, et la position de conduite est juste parfaite. Et malgré un environnement technologique pour le moins riche, l’ergonomie est aussi parfaitement étudiée, de nombreuses commandes, comme le démarreur, ayant migré depuis l’introduction de cette seconde génération en 2015 sur le volant multifonctions à méplat. Justement, sur ce même volant prend désormais place, sur sa gauche, un bouton « Torque Rear », permettant de régler la motricité selon 7 lois. Pour verrouiller l’auto au sol, on laissera la commande sur « 1 ». En revanche, pour lâcher la bride au train arrière (et à l’antipatinage) et se risquer à entretenir de belles glisses, il faudra tourner ce bouton magique vers le « 7 », et déconnecter totalement l’ESP. A ne pratiquer de préférence que sur un circuit offrant de bons dégagements ! C’est mon jour de chance : il se trouve que je suis aujourd’hui sur un tel circuit, dans les environs de Séville…

Apothéose

Parfaitement calé dans le siège baquet, j’appuie sur le bouton rouge « start engine ». C’est fou comme un petit geste à priori anodin peut avoir de grandes conséquences ! Le V10 s’ébroue, et ses jappements évocateurs, amplifiés par le gros échappement « sport », vous met tout de suite dans l’ambiance. Mais c’est en gourmet qu’il convient d’apprécier une telle machine. Comme face à un bon plat servi par un grand chef, on évitera de se jeter dessus avec gourmandise, pour en apprécier chaque bouchée. Avec la R8 GT c’est pareil, il faut prendre le temps de bien faire chauffer la mécanique pour en tirer la substantifique moëlle. Une fois bien à température, j’avoue m’être quelque peu comporté comme un goinfre arrivant à un banquet, dès la sortie des stands ! La montée en régime vigoureuse du V10 peut faire, passé un certain âge, office de lifting, tant ça pousse toujours aussi fort. Jugez plutôt : il ne faut que 3,4 sec pour expédier le 0 à 100 km/h, à peine 10,1 sec pour coller l’aiguille du tachymètre sur 200 km/h, et en insistant quelques secondes de plus, on arrive au seuil extraordinaire des 320 km/h !

Au-delà de ces chiffres, plaçant bien la R8 GT parmi l’élite automobile, il convient de saluer son comportement fantastique. Les pneus Michelin Pilot Sport 4S mordent la corde de chaque virage avec la hargne d’un pitbull, tandis que l’auto, imperturbable, vire quasiment à plat, prête à négocier le prochain virage qui se présente à elle, avec une direction précise comme un scalpel. Il faut dire que de série, la GT dispose d’un châssis sport ainsi que d’une barre antiroulis avant spécifique. Mieux, des combinés filetés réglables en compression et en détente (via une molette intégrée à chaque amortisseur), permet de jouer sur la hauteur de caisse (option à 7800 €). La boîte S-tronic à 7 rapports, recalibrée pour l’occasion en profitant de rapports raccourcis pour optimiser les accélérations, est-elle aussi au diapason. Par rapport à une version quattro rivée au sol, cette propulsion présente juste un léger déhanché du popotin. Quant au freinage en carbone-céramique, avec ses étriers à 6 pistons, il donne l’impression à chaque fois de « jeter l’ancre », l’ABS ne se montrant pas trop sensible, en parvenant à se faire oublier. La seule qui ne fait jamais véritablement oublier, et on ne portera pas plainte, c’est bien ce moteur à la sonorité envoûtante. Addictive même. Je ne sais pas si la prochaine sportive aux Anneaux sera 100% électrique, mais aussi talentueuse soit-elle, elle ne parviendra jamais – non jamais – à égaler en émotion ce fantastique V10, capable de hurler sa hargne jusqu’à 8700 tr/mn. Une chose est sûre : il nous manquera.

L’ avis d’Avus

En 16 ans de carrière, la R8 se sera vendue à 42 000 exemplaires dans le monde. Un chiffre honorable pour une supercar, mais qui aurait pu être plus conséquent si Audi avait eu la sagesse de reconduire le « petit » V8 sur cette seconde génération introduite en 2015, ce qui aurait permis de la rendre plus « démocratique ». Parmi les nombreuses versions apparues tout au long de son existence, il ne fait aucun doute que cette rare et élitiste GT se pose d’emblée comme la plus radicale et excitante à conduire. Et l’une des plus rares aussi. Alors si vos moyens vous permettent de dépenser sans sourciller 245 000 € pour une automobile « plaisir », dépêchez-vous de l’acquérir : seuls 26 exemplaires sont dédiés à la France…

On aime 

Style bien à part
Conduite bien à part
Technologie bien à part
R8 V10 bien à part !

 

On aime moins 

Tarif bien à part !
Que 333 exemplaires
La dernière R8…

 

Caractéristiques techniques : Audi R8 GT

Moteur : 10 cylindres en V, 5204 cm3
Puissance (ch à tr/mn) : 620 à 7000
Couple : 565 de 6400 à 7000
Transmission : intégrale, quattro
Boîte : BVA 7 S-tronic
Freins : 4 disques ventilés
Pneumatiques : 245/30 ZR 20 (AV) – 305/30 ZR 20 (AR)
L x l x h.(m) : 4,42 x 1,94 x 1,23
Réservoir (litres) : 75
Poids à vide (kg) : à partir de 1570
Conso mixte (l/100 km) : 13,1
Rejet de CO2 (g/km) : 340
0 à 100 km/h (sec) : 3,4
Vitesse maxi (km/h) : 320

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