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Audi quattro 10v (1981)

Il était une fois la révolution

Le modèle que l’Histoire retiendra c’est celui-ci : l’Ur quattro. Présentée il y a tout juste 40 ans, l’Audi quattro s’appropriera opportunément la transmission intégrale, jusque-là réservée aux 4×4. Une greffe pour le moins singulière qui allait permettre à cette Audi de ridiculiser sur surfaces glissantes des rivales plus prestigieuses, et de propulser la marque aux Anneaux vers l’infini… et le premium !

En bref
Première Audi quattro
Modèle « 10V » à 4 phares carrés
Moteur 5 cylindres 2.1 de 200 ch
Cote 2020 : 60 000 € environ en parfait état

Audi Quattro 10 V 3/4 arriere

C’est au très chic salon de Genève, où sont traditionnellement dévoilées les élitistes nouvelles Bentley, Ferrari et concept cars les plus fous, qu’est présentée pour la première fois au public l’Audi quattro. Nous sommes en mars 1980, et contrairement à ce que certains ont pu dire (ou écrire), cette voiture n’était absolument pas la star du salon. A vrai dire, en 1980, Audi ne représentait encore pas grand-chose, et la majorité des observateurs sont complètement passés à côté de l’aspect « révolutionnaire » de cette voiture, qui n’a commencé à s’imposer que l’année suivante, grâce à l’engagement de la voiture en rallye. Il faut dire que, d’une part, personne n’attendait rien d’ébouriffant de la part de cette jeune marque, et d’autre part, sans être moche, cette Audi quattro n’a pas pour elle un design « à tomber », façon Aston Martin, Jaguar ou Alfa Romeo des grandes années. A première vue, la quattro semble avoir été dessinée un vendredi soir avant le week-end avec un fil à plomb, et sa face avant taillée à la serpe, caractéristique avec ses 4 petits phares carrés (façon Audi 200 5T ou… Renault 11 !), ne respire pas franchement l’élégance.

« Ce design agressif et anguleux signé par Hartmut Warkub va finir par marquer les esprits »

Pourtant, ce design agressif et anguleux, signé par Hartmut Warkub, va finir par marquer les esprits avec son arrière fast-back surplombé d’un aileron, et ses ailes gonflées aux anabolisants. Un effet de style autant probant que novateur, qui sera d’ailleurs repris par de nombreux concurrents par la suite… dont BMW, pour sa première M3 à 4 cylindres, ou encore Lancia avec sa Delta HF ! En fait, à l’instar de la singulière Saab 900 Turbo, l’Audi quattro est une voiture de connaisseur, qui ne déclenche pas un coup de foudre en la croisant au coin de la rue, mais dont on tombe amoureux en vivant avec.

« Ce design agressif et anguleux signé par Hartmut Warkub va finir par marquer les esprits  avant arrière
L’Audi quattro reçoit un gros aileron pour gagner en appui à haute vitesse.

C’est en abattant à son volant les kilomètres les uns après les autres que l’on est alors convaincu d’avoir fait le bon choix, et on mesure pleinement son avance sur la concurrence, notamment sur revêtement glissant. En Audi quattro, quand le baromètre dégringole, le conducteur… rigole. Et il se frise les moustaches à la vue d’une surface enneigée, surtout si une grosse BMW ou Mercedes lui emboîte le train et essaye de suivre la cadence. Certains ont essayé, et ils ont eu des problèmes !

Premier cru

Les fidèles lecteurs d’Avus apprécieront, à sa juste valeur on l’espère, la qualité du modèle photographié qui illustre cet article, qui affiche moins de 50 000 km au compteur. Cet exemplaire de l’année 1981, présenté dans un état d’origine immaculé, est identifiable à son avant doté de 4 phares, et quelques autres détails vraiment spécifiques, comme, à l’intérieur, la présence sur le tunnel de transmission des tirettes agissant sur le différentiel. Au bas de la console centrale figure des témoins, permettant de visualiser le blocage de différentiel interponts agissant sur le train avant, ou arrière.

L’intérieur taillé à la serpe, très daté eighties lui aussi, vaut le détour. Si la sellerie en velours vert et marron a de quoi dérouter, on est forcément séduit par l’évidente qualité de fabrication de l’ensemble, mais aussi l’habitabilité remarquable de cette GT. Contrairement aux actuelles A5 Coupé, l’Audi quattro n’est pas une simple 2+2, mais une vraie 4 places, l’habitabilité à l’arrière étant exceptionnelle. Il est d’ailleurs amusant de se replonger, 40 ans après, dans de saines lectures, comme le compte-rendu daté, comme notre modèle d’essai, de 1981, écrit par le regretté André Costa, essayeur en chef de l’Auto Journal.

Sur sol sec, et plus encore, sur chaussée humide ou enneigée, la quattro passe à pleine vitesse, en restant imperturbable. C’est un véritable outil !

En journaliste automobile avisé et intraitable, il a su reconnaître les multiples qualités de cette voiture hors-normes. Mais avant, il replace avec justesse les choses dans leur contexte en précisant que « l’ensemble de la grande presse s’esbaudit actuellement sur la quattro alors que les premiers essais de cette technique datent, dans leur forme actuelle, d’une bonne vingtaine d’années. Le procédé anglais Ferguson fut même essayé à l’époque sur une formule 1 britannique, puis il fut repris sur la très belle Jensen Interceptor. Plus près de nous, la Range Rover fonctionne depuis sa naissance sur le même principe et aussi la Lada Niva soviétique ».

Ceci étant posé, André Costa a visiblement su apprécier les qualités routières de la quattro, et ce, tant sur la route que sur circuit, puisque comme il le précisait avec justesse « la quattro possède en ligne droite une stabilité de trajectoire à peu près totale et son équilibre en virage s’avère des plus convaincants. Au niveau du comportement routier, on pourrait rédiger un petit livre tant il est vrai que la technique des quatre roues motrices adaptées à une routière à hautes performances impose la réflexion et, dans une mesure certaine, l’adaptation ». L’homme sait de quoi il parle car comme le montre la suite de son essai longue-durée, il ne lui a visiblement rien épargné…

Audi-Quattro-10-V

Testée et approuvée par André Costa !

Comme à son habitude, pour chaque modèle testé, André Costa a amené la quattro au circuit de Linas-Montlhéry, la rédaction de l’Auto Journal possédant, comme quelques autres rédactions de la presse auto, un box pour entreposer tout le matériel nécessaire aux mesures. Et le matériel a parlé, plus que nous ne pourrions le faire librement sur nos routes de nos jours !« La quattro a tourné sur l’anneau de vitesse de Montlhéry à 209 km/h, cette performance n’étant soumise à aucune correction. Dans ces conditions, le compteur indique un peu plus de 220 km/h et il est vraisemblable qu’en ligne droite, la vitesse dépasse largement les 210 km/h ».

Pourtant, avec une certaine ironie, André Costa dénonce déjà le début d’inquisition mis en place sur nos routes, pourtant bien plus permissif en 1981 qu’en 2020 ! Pour preuve, il ajoute avec malice « au terme de plusieurs centaine de kilomètres de route, parcourus à des moyennes horaires oscillant entre 120 et 130 km/h – essais effectués exclusivement sur le territoire du Grand Duché de Moldavie, bien entendu – j’ai noté une consommation de 21,2 l/100 km ».

Les deux forts tubes d’échappement chromés semblent un fusil à double canon. Impressionnant…

C’est vrai qu’un Ur quattro biberonne, mais il fait bien donner de l’avoine pour nourrir 200 chevaux. Surtout lorsqu’on leur demande le maximum, comme l’a fait le père Costa, sur routes ouvertes donc, mais aussi sur le circuit routier de Montlhéry. « La quattro s’installant d’emblée dans une position prestigieuse, il était intéressant d’en déterminer les possibilités sur le difficile circuit routier des 9 km de Montlhéry. Compte-tenu des défaillances de freinage, je suis parvenu à effectuer, après 5 tours d’essai, un tour en 4 mn 11s. Pour la petite histoire rappelons, à titre d’exemple, qu’une Porsche 928 tourne en 3’55, une Ferrari 308 GTB en 4,01 et une BMW 323i en 4’24 ».

Des temps véritablement « canon » sur sol sec, mais c’est encore sur revêtement glissant que la quattro fait étalage de tout son talent. Visiblement, André Costa ne s’est pas gêné pour aller jusqu’à l’autre bout du pays le vérifier sur place, dans les Alpes ! « Sur notre circuit « neige » de Serre-Chevalier, la quattro a fait montre de ses incroyables possibilités. Un véritable outil ! Sur la neige, en démarrage et à l’accélération en ligne droite – en sortie de virage par exemple – la quattro, toute question de puissance mise à part, laisse littéralement sur place toute voiture classique, cela est indiscutable ». Revers de la médaille, cette efficacité d’un autre monde a tendance, comme nous l’avons déjà déploré, à « couper » le conducteur du monde réel, au point de rendre parfois la conduite presque ennuyeuse. Un sentiment plus ou moins partagé par André Costa qui constate que « faisant feu de ses 4 roues motrices, la quattro ne donne pas le sentiment de la vitesse réelle, tant elle se montre souple et silencieuse. Vous vous croyez à 100, vous êtes déjà au-delà de 130 ».

« La quattro a tourné sur l’anneau de vitesse de Montlhéry à 209 km/h, cette performance n’étant soumise à aucune correction »

Mais de l’avis de l’essayeur, les vrais défauts de la quattro sont surtout ailleurs… Comme une tendance à sous-virer, que l’on a également déjà constaté, puisqu’il écrit avec justesse que « on a énormément parlé des extraordinaires possibilités de la quattro sur la neige et la glace. C’est vrai mais, malgré tout, la voiture dessinée par Ferdinand Piëch ne peut pas transgresser les lois de la nature. Le moteur, placé en porte-à-faux à l’avant, se fait sentir en abordant vite un virage ».

Taillé à la serpe et sans fioriture, ce tableau de bord brille néanmoins par son ergonomie et, déjà, par sa finition.

En revanche, André Costa pointe des défaillances au niveau du freinage, que nous n’avons en revanche jamais remarqué. Mais il est vrai que nous n’avons pas osé brusquer cette voiture, désormais de collection, comme lui a pu le faire lorsqu’elle était neuve ! Ainsi, pour Costa, « quand on appuie sur le frein, les distances d’arrêt dépendront encore une fois du poids de la voiture, son inertie, et l’Audi quatre roues motrices n’est pas la mieux placée à ce petit jeu ». Et il fustige également la gestion électronique du moteur pas assez nuancée à son goût puisque « il faut conduire la voiture pour se rendre compte que la gestion électronique du moteur n’y va pas par 4 chemins. Si le pied est léger sur l’accélérateur, les reprises à bas-régimes sont vraiment sensationnelles et le turbo manifeste complaisamment sa présence en dessous de 2500 tr/mn. Au contraire, le fait d’écraser l’accélérateur fait l’effet d’une douche froide ».

L’avis d’Avus

Avec nos yeux de conducteur de 2020, il est amusant de s’être replongé dans cet essai, et après avoir repris personnellement le volant d’un antique Ur quattro 10v, on mesure l’évolution parcourue par Audi en matière de coupé sportif. Car il est évident que conduire un Ur quattro 10v peut laisser sur sa faim, la voiture paraissant lourde à manier et pas aussi performante que cela. Un décalage renforcé par les énormes progrès accomplis par les récentes Audi RS, qui savent se montrer enfin plus ludiques et communicatives, même en disposant du quattro.

Cette Audi est à l’image des sièges (le gauche est réglable en hauteur), conçus comme des baquets adoucis, rembourrés. Ils maintiennent à merveille grâce à leurs côtés relevés.

Nous laisserons le mot de la fin à André Costa pour qui « sans conteste, une voiture produite en série, même petite, est destinée à être vendue. Cela étant, Audi a monté l’opération « quattro» en dehors de toute préoccupation commerciale au premier degré. Le problème n’était pas de conquérir un marché mais de faire connaître au monde le nom d’Audi que seule une minorité, éclairée comme il se doit, apprécie aujourd’hui ». Malgré tout ce concentré d’innovations, bien que facturé au prix fort à l’époque (50 000 Deutch Mark soit 175 000 Francs environ), il s’est vendu jusqu’en 1991, 11 452 exemplaires…

Merci à Claude Girod membre du Roc Racing Historic
(01 39 53 27 10, www.roc-racing-historic.fr) pour le prêt de cette superbe Audi Coupé Quattro.

Fiche Technique
Audi Coupé Quattro 1980

  • Moteur : 5 cylindres en ligne, 10v, 2144 cm3, avec turbo
  • Alimentation : à injection, suralimentée par turbo compresseur
  • Puissance maxi (ch à tr/mn) : 200 à 5500
  • Couple maxi (Nm à tr/mn) : 285 à 3500
  • Transmission : intégrale, boîte mécanique à 5 rapports (avec différentiel intégré à l’avant)
  • Suspension : AV à jambes de force avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques.
  • Suspension : AR à jambes de force avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques.
  • Freins : 4 disques (ventilés à l’avant), répartiteur de freinage.
  • Dimensions (L x l x h) en m : 4,40 x 1,72 x 1,34
  • Empattement (en m) : 2,52
  • Voies AV/AR (en m) : 1,42 / 1,45
  • Poids : 1290 kg
  • Pneus (AV / AR) : 205/60 VR 15
  • Vitesse maxi (km/h) : 220 environ
  • 0 à 100 km/h : 7,1 sec
  • Cote en 2020 : 60 000 € environ en parfait état
La quattro reçoit un fantastique 5 cylindres 2.1 turbo délivrant 200 ch. Un bloc qui fera beaucoup pour la renommée d’Audi…

Les plus :

  • Voiture culte !
  • Comportement et performances d’actualité
  • Polyvalence
  • Qualité de construction

Les moins:

  • Rare en bon état d’origine
  • Prix de plus en plus prohibitif
  • Pièces de plus en plus rares
  • Réseau Audi nul en entretien de youngtimer

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