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Audi Q8 60 TFSIe : Eco… logique ?

Pour éviter des malus assassins, Audi se lance à marche forcée dans l’électrification progressive de sa gamme. Quitte à proposer des véhicules à la pertinence discutable. Dernier exemple en date, le gros Q8, qui se fait hybride rechargeable. Nous l’avons soumis au jugement impitoyable d’une chauffeur VTC parisienne…

Par Thomas Riaud, photos Thomas Riaud

En bref
Version 60 TFSIe hybride rechargeable
Moteur V6 3.0 + moteur électrique
Puissance cumulée de 462 ch – 450 Nm
Perf : 0 à 100 km/h en 5,4 sec – 240 km/h
Prix : 105 300 € (à partir de), prix du modèle essayé 123 675 €

Cela fait près de 15 ans que Nathalie, charmante quadra, est par choix de vie professionnelle aguerrie de la route. Si elle est chauffeur VTC à Paris depuis maintenant 5 ans, en voiture électrique (Renault Zoe), elle a aussi donné  « dans le lourd ». Dans les poids-lourds en l’occurrence, puisqu’elle a été « routier », dans les transports internationaux durant 8 ans, en conduisant des… 44 tonnes ! Un grand écart étonnant, qui nous a donné envie de lui prêter notre monture pour recueillir son avis d’expert. Car il va sans dire que, bien que menue et fluette, la demoiselle a autant un bon coup de volant qu’une forte personnalité, et sait de quoi elle cause. En tout cas, Nathalie n’est certainement pas du genre à se laisser intimider par le format XXL de cet imposant Q8 ! Pourtant, il a de quoi impressionner ce SUV-coupé, du haut de ses 4m99 de long pour 2m de large, surtout lorsqu’il s’agit de manœuvrer dans un parking souterrain parisien, où l’architecte semble avoir pris comme maître-étalon une… Smart !

Car il est clair que ce Q8 n’a de « coupé » que sa silhouette avantageuse, et certainement pas sa longueur frôlant les 5 mètres. Voilà en tout cas un beau bébé né à Ingolstadt voilà près de 4 ans, pesé dans le cas qui nous intéresse à 2145 kg à vide ! Si notre fiscalité automobile est devenue complètement folle au point de taxer désormais, au poids, toute voiture pesant plus de 1800 kg (10 €/kg !), notre sublime Q8 peint couleur « bleu Galaxy » y échappe. Du moins cette version récemment commercialisée, puisqu’il s’agit d’une toute nouvelle TFSIe, un sigle un peu abscons qui désigne désormais, chez Audi, les modèles hybride-rechargeables. Autrement dit, un concentré de haute technologie. Sur la forme, faute de logo distinctif, on ne remarque rien ou presque, puisque le seul changement visible se limite à l’adoption d’une trappe à carburant supplémentaire, installée côté conducteur.

Entre mythes et réalités

Il faudra s’y faire : ces engins, sans cesse plus nombreux, sont appelés à se multiplier, notamment chez Audi, notre Q8 se déclinant par exemple à lui seul en deux versions « écolos » différentes. La « petite » variante 55 TFSIe de 381 ch permet de rester – en théorie- sous les 90 000 €, et la grosse 60 TFSIe ici à l’essai, crève sans sourciller le plafond des 105 000 €… hors option ! Vu ce prix astronomique, déconnecté des réalités économiques de la plupart des gens, on est bien content d’échapper au malus au poids. Et par la grâce des normes d’homologation (dont le protocole est encore bien éloigné de la réalité), les rejets de CO2 sont annoncés à seulement 64 g/CO2 ce qui permet, là encore, d’échapper à tout malus « écologique ». Un exploit à la vue de la puissance colossale annoncée, donnée à… 462 ch sur ce Q8 60 TFSIe ! C’est vrai qu’il y a du monde sous le capot, car en plus du classique bloc thermique, un gros V6 3.0 litres de 340 ch, on trouve en appoint un moteur électrique de 100 kW (soit l’équivalent de 136 ch) très compact, logé dans la boîte automatique à 8 rapports, alimenté par une grosse batterie lithium-ion de 48 Ah logée sous le plancher du coffre.

Au contraire de Toyota ou Lexus, qui a choisi la voie du full-hybride (c’est-à-dire que la batterie se recharge d’elle-même en récupérant de l’énergie dès que possible), Audi a préféré miser sur la technologie Plug-in (ou PHEV). On parle donc ici d’hybride rechargeable, ce qui impose de sortir un câble dédié pour se recharger sur une borne. Plus celle-ci est évoluée – et raccordée à un réseau à haut voltage – et plus la charge est rapide. Enfin, façon de parler, puisqu’elle nécessite tout de même au mieux 2h30 de patience, la capacité de charge maximale de cette batterie n’ayant rien à voir avec celle d’une e-tron, puisqu’elle est de 7,4 kW. Dérouler quotidiennement son câble pour recharger, forcément, c’est contraignant, et en tant que rompue à cet exercice Nathalie me fait remarquer, avec justesse, qu’il vaut mieux s’efforcer de laisser au maximum le câble en hauteur pour éviter – en ville du moins – de le voir souillé par d’éventuelles déjections canines. En contrepartie de cet effort, Audi annonce une autonomie de 47 km en mode électrique selon cycle WLTP. Un chiffre pour le coup pas trop éloigné, pour une fois, de la vérité…

Silence, on roule !

Pour se hisser à bord, malgré ses chaussures à talons, Nathalie mesure la pertinence de l’expression « monter en voiture », tant ce Q8 est haut perché, surtout le nôtre, doté de sublimes jantes optionnelles de… 22 pouces ! Parfaitement installée dans les larges sièges en cuir, notre essayeuse du jour ne peut s’empêcher de laisser échapper un « whaou » d’admiration, le Q8 offrant, il est vrai, un vaste habitacle irréprochable, taillé au cordeau. Et pratique avec ça, Audi ayant même pensé à doter l’arrière de sièges coulissant sur une bonne dizaine de centimètres. Mais notre pro du volant préfère prendre, sans attendre, les commandes de ce vaisseau. Nath’ démarre et il ne se passe… rien ! Batterie pleine, et mode « EV » enclenché, ce grand SUV permet alors de rouler en tout électrique durant une quarantaine de kilomètres, sans consommer une goutte de carburant. C’est là, et seulement là, que ce Q8 TFSIe est vraiment écologique… seulement si on se cantonne à de petits trajets n’allant pas au-delà de ce kilométrage et si, bien sûr, on prend soin de le recharger à chaque fois.

En tout cas, même en mode électrique, le Q8 séduit par ses relances, et Nathalie semble être tombée sous le charme de ce gros SUV qui se laisse conduire du bout des doigts. « C’est mieux que ma Zoe ! » me dit-elle enthousiaste, avec une pointe d’humour. Tu m’étonnes : on n’aurait jamais deviné ! Il faut dire que ce fleuron des SUV Audi ne joue pas vraiment dans la même cour et ne refuse rien. L’intérieur, bardé d’écrans, vous plonge presque dans le futur, avec un cockpit virtuel de 12 pouces faisant office d’instruments de bord (avec affichage spécifique sur cette version hybride), un système avantageusement complété par deux écrans supplémentaires intégrés à la console, pour gérer le GPS et le multimédia (en haut), mais aussi le chauffage et la ventilation (en bas). Nathalie remarque que malgré sa complexité, tout se fait de façon intuitive, et il existe toujours quelques boutons physiques en guise de raccourcis, une présence bien pratique qui la rassure.

Mais plutôt que d’appuyer sur des boutons, notre chauffeur expérimenté préfère appuyer sur la pédale de droite, une action qui a pour effet immédiat de propulser avec vigueur la voiture. Et en insistant, cela réveille le bloc thermique, qui vient seconder le bloc électrique, pour distiller les 462 ch promis. La boîte Tiptronic à 8 rapports, autant douce que réactive, dégaine sans broncher la bonne vitesse, toujours à bon escient, permettant à notre mastodonte du bitume de déguerpir comme une gazelle (0 à 100 km/h en 5,4 sec). « Ah oui, quand même, il déboîte ce 4×4 ! » me lâche spontanément une Nathalie enthousiaste, visiblement autant séduite qu’étonnée ! Le souci est que si, effectivement, il « déboîte », cela se fait trop au détriment de la consommation, alors proche des 12 l/100 km en moyenne lorsque l’on bascule en mode hybride. Un mode activé par défaut tant qu’il reste évidemment du jus dans la batterie, ce qui suppose de recharger, chose que finalement peu de gens font. Car on ne va pas se mentir, le succès des voitures hybrides rechargeables est artificiellement dopé par notre fiscalité, ces autos lourdes et encombrantes devenant des gouffres lorsque l’on roule sur le seul moteur thermique. Notre gros SUV ne déroge pas à cette règle puisqu’il est capable batterie vide, en conduite urbaine, de siroter de 16 à 20 l/100km !

Le souci est que cette surconsommation est, tôt ou tard, incontournable. Pourquoi ? Parce que lorsque l’on a la chance de posséder un tel véhicule familial à long rayon d’action, il est légitime de s’en servir pour voyager, et au bout d’un moment, sur voies rapides, seul le bloc essence fonctionne, ce qui fait là encore s’envoler les consommations. « Pas si écolo que ça ce Q8 » me fait remarquer avec justesse Nathalie. Et sans être « pro-mazout », j’en viens forcément à regretter les diesels modernes, condamnés chez nous par quelques politiques « verts » un peu bas du front, qui l’ont d’emblée jugé pour « délit de sale gueule », sans même tenir compte de ses multiples avantages. Cela commence par une consommation réduite… ce qui se ressent aussi sur les rejets de CO2, et Mercedes a bien compris tout l’intérêt que représente le diesel, au point d’être le seul, à ce jour, à proposer des hybrides rechargeables ainsi conçues… disposant, ô plaisir suprême, d’une vignette Crit’Air 1 ! Un mariage heureux choisi au début par Audi pour son premier Q7 hybride rechargeable, bêtement délaissé aujourd’hui. Espérons qu’Audi fasse, sur ce point, machine arrière !

L’avis d’Avus

S’il est réjouissant, ne serait-ce que pour faire hurler les écolos, de rouler dans une auto très puissante échappant au malus, force est de remarquer que, à l’usage, un tel modèle ne sert pas à grand-chose. Car rouler « propre », en mode électrique, reste finalement limité à une quarantaine de kilomètres, et lorsque le thermique prend le relais, ce Q8 surconsomme et peine à descendre sous les 12 l/100 km en usage mixte, et même sous les 18 l/100 km en ville. C’est beaucoup trop ! Et chacun sera d’accord pour reconnaître qu’avoir un gros SUV pour faire des petits trajets urbains, ça n’a aucun sens. Nous ne jetterons pas la pierre à Audi qui ne met en place cette parade juste que pour continuer de vendre des autos, mais générant des effets pervers Il serait temps que nos « élites » se posent les bonnes questions, arrêtent aussi de fustiger bêtement les diesels dernier-cri, et changent enfin leur fusil d’épaule pour proposer une fiscaliste écologique automobile compréhensible et acceptable… afin d’être acceptée. Car en l’état actuel des choses, ce Q8 TFSIe n’a qu’une seule véritable vertu : celle d’échapper à une fiscalité automobile française autant idiote que confiscatoire !

Mille mercis à Nathalie Simonin pour sa disponibilité et son aimable participation. Si vous recherchez un VTC de qualité sur Paris, vous pouvez la contacter à sa société « NS – VIP » au 06 33 35 93 74. 

On aime

Style fort
Habitabilité
Maniabilité – agilité
Qualité de construction
Ensemble moteur -boîte

On aime moins

Encombrement en ville
Consommation en ville
Autonomie électrique trop limitée
Utilité discutable
Prix trop élevé et options chères et nombreuses

Caractéristiques techniques : Audi Q8 60 TFSIe

Moteur : 6 cylindres en V, 2995 cm3 + moteur électrique
Puissance (ch à tr/mn) : 340 à 5300 + 100 kW (462 ch en cumulé)
Couple (Nm à tr/mn) : 450 à 1340 à 5350
Transmission : intégrale, quattro
Boîte : BVA 8 Tiptronic
Freins : 4 disques ventilés
Pneumatiques : 285/45 R 21
L x l x h (m) : 4,99 x 2,00 x 1,71
Coffre (mini/maxi, litres) : 505
Réservoir (litres) : 75
Poids à vide (kg) : à partir de 2060
Conso mixte (l/100 km) : 2,9
Rejet de CO2 (g/km) : 64
0 à 100 km/h (sec) : 5,4
Vitesse maxi (km/h) : 240

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