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Audi 100 S Coupé 1969

Voyage au bout de l’image de marque

Question philosophique digne du bac : comment justifier un écart de prix important entre deux produits aux caractéristiques techniques objectivement très proches ? Cela peut s’expliquer, en grande partie, par ce que l’on appelle « l’image ». Et au milieu des années 60, Audi, qui vient de renaître, a bien compris que cela passerait notamment par la vente d’un élégant coupé…

En bref
Premier coupé Audi
Dérivé de la première Audi 100
Moteur 4 cyl. 1.9 115 ch
Production de 1969 à 1976

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La 100 S Coupé, c’est d’abord un joli coup de crayon, très typé seventies, mais l’ensemble reste très plaisant à admirer, sous n’importe quel angle !

Lorsque le groupe VAG réactive Audi en 1965, la marque aux anneaux n’évoque plus rien pour personne. Objectivement, la « nouvelle » Audi 60, qui n’est qu’une modeste DKW F102 replâtrée au niveau de la face avant (et équipée d’un plus conventionnel moteur 4 temps) n’a rien de sexy, et une simple Ford17M ou Opel Rekord de l’époque a une bien meilleure image de marque vis-à-vis d’un public qui devient de plus en plus exigeant. Les années de disette, nécessaires à la reconstruction, sont déjà loin, et chacun aspire à mieux vivre en ces belles années faites d’insouciance. Nous sommes en pleine « Trente Glorieuses », avec un pouvoir d’achat qui ne cesse d’augmenter, et mieux vivre passe par « mieux consommer ». Enfin, par « plus consommer » devrait-on dire, avec tous les excès que cela comporte.

« Dès 1969, il se passe quelque chose de fort, et on sent qu’Audi est animé
par une ambition sans limite »

Mais pour l’heure, en cette heureuse époque, l’écologie balbutiante se cantonne à de sympathiques mouvements de traîne-savates qui migrent au son des Doors en VW Combi du plateau du Larzac à Woodstock, dans des panaches de fumée que l’on ne peut pas toujours attribuer à la combustion du moteur à explosion ! Les libertés individuelles sont à leur paroxysme, portées par le mouvement hippie, mais aussi par la fronde de mai 68, qui se répand dans l’esprit de tous les jeunes, bien au-delà des frontières de l’hexagone d’ailleurs. En cette année 1968 où il devient « interdit d’interdire », Citroën se la joue « cool » en présentant sa Méhari, tandis que les jeunes dirigeants d’Audi, en quête de respectabilité vis-à-vis de la tutelle pesante de Volkswagen, présentent justement à son encombrant et tout-puissant directoire la statutaire berline 100, élaborée par Ludwing Krauss à l’ombre des murs de l’usine d’Ingolstadt dans le plus grand secret.

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L’Audi 100 S Coupé combine un charme latin au niveau de sa ligne fast-back, à la légendaire fiabilité et rigueur germanique. Le meilleur des 2 mondes ?

Concevoir en catimini une telle auto aurait pu provoquer les foudres de la direction de Volkswagen, mais le résultat est si séduisant, que non seulement les dirigeants du groupe approuvent mais, conscients que Volkswagen doit absolument aller de l’avant et sortir de la monoculture Coccinelle, ils valident son industrialisation ! Cette Audi 100, vraiment inédite du carter au sommet du pavillon est, à défaut de briller par son avant-gardisme, véritablement le premier acte fondateur de la renaissance de la marque aux Anneaux, lui permettant de gagner en indépendance. Et en image de marque…

Quand « moins » égal « plus »

En 1968, pour réussir et asseoir sa position sociale dans son quartier, il n’est pas encore question de rouler les mécaniques en 4×4 ou en SUV. La voiture à la mode, c’est la grosse berline trois volumes, très classique sur la forme, mais rassurante. C’est exactement la fonction de notre première Audi 100, statutaire avec ses 4m63 de long, et rationnelle en optant pour la traction avant avec un traditionnel moteur 4 cylindres 1.7 refroidi par eau. En offrant initialement 3 niveaux de puissance (80, 90 et 100 ch), correspondants chacun à une finition (Audi 100, 100 S et 100 LS), notre grande Audi fait une entrée remarquée au royaume des berlines, et se pose en alternative crédible face à la nouvelle Peugeot 504 ou la plus décalée Renault 16, originale avec son hayon. Mais il n’est pas encore question de songer à rivaliser avec BMW ou Mercedes. Pas encore…

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Mais dès l’année 1969, il se passe quelque chose de fort, et on sent que le constructeur est animé par une ambition sans limite. Au salon de Francfort, la jeune marque aux anneaux présente, aux côtés de sa nouvelle « 100 » encore toute fraîche, un inédit coupé S à la ligne furieusement latine ! Bien que techniquement étroitement dérivé de la berline 100, chose logique pour limiter les coûts de développement, ce coupé s’en démarque toutefois nettement sur la forme, avec son arrière fast-back tronqué au niveau de la poupe, s’achevant sur un pan incliné. C’est d’ailleurs si convaincant que ce trait de style fort sera repris…40 ans plus tard, par la première A7 Sportback ! Pourtant, les plus observateurs reconnaîtront, au niveau de la face avant, l’héritage de la berline, et ce, jusqu’aux portières ! Mais plutôt que d’opter pour les grandes optiques rectangulaires, Audi intègre judicieusement les 4 phares ronds, réservés jusqu’alors au haut de gamme LS. Cela n’a l’air de rien, mais c’est suffisant pour transfigurer le faciès de la voiture, et lui donner de faux-airs de petite sportive, façon Fiat Dino.

Malgré un sex-appeal évident, notre conquérante Audi 100 S Coupé va avoir fort à faire, car elle arrive sur une niche en plein boom, portée par le succès insolent Outre-Atlantique de la Ford Mustang, prouvant qu’il y a une vraie demande pour rouler dans un coupé sympa et pas trop cher. Ainsi en cette belle année 1969, l’érotisme en matière d’automobile se perçoit à travers l’éclosion de coupés au look virils, tous plus aguicheurs les uns que les autres. On retrouve en chef de file la Ford Capri, mais aussi les Renault 15 et 17, Opel Manta, Fiat 128 Coupé, Peugeot 504 Coupé et autres Toyota Celica. Un univers pour le moins concurrentiel où l’Audi 100 S Coupé va devoir se faire une place…

Opération séduction

Excepté la Capri, qui va jusqu’à proposer un tonitruant 6 cylindres sur sa variante musclée 2600 RS, les autres coupés européens du moment restent pour l’essentiel assez sages sur le plan mécanique. Certes, la 504 Coupé a droit, elle aussi, à un noble V6 sur sa version haut de gamme, mais il sert plus de faire-valoir pour asseoir la voiture sur le segment du haut de gamme, qu’il n’est véritablement sportif. Tant mieux pour la 100 S Coupé, car elle n’a malheureusement pas une mécanique à la hauteur de sa plastique suggestive. Pour réduire une fois de plus les coûts de développement, les ingénieurs n’ont eu d’autre choix que de composer avec ce qu’il avait, à savoir le brave 1.7 de la berline 100, toutefois dans sa configuration la plus puissante. Bien que porté pour l’occasion à 1971 cm3 pour bénéficier de davantage de souplesse, ce paisible 4 cylindres se voit alimenté par 2 carburateurs, permettant de voir la puissance passer de 100 à 115 ch. Certes, en 1969, une écurie de 115 ch est tout à fait honorable, mais cela reste un peu court pour jouer aux sportives, y compris face à un simple 4 cylindres « double arbre » italien signé Abarth ou Alfa Romeo. Et pour ne rien arranger, à partir de 1971, pour se conformer aux nouvelles normes antipollution, le bloc perd 3 ch dans la bataille (112 ch) et il se voit alimenté par un seul carburateur double-corps !

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Pour convaincre, la 100 S Coupé n’a d’autre choix que d’avancer d’autres arguments. Outre son esthétique, elle mise sur sa remarquable habitabilité. Bien que raccourci de 11 cm au niveau de l’empattement par rapport à la berline, ce châssis reste assez grand pour distribuer 4 vraies places et un coffre digne de ce nom. Vous savez quoi ? Cinquante ans plus tard, une A5 coupé ne fait pas mieux, et même moins bien serait-on tenté de dire ! Bien sûr, ce sont les places avant les plus enviables, notamment derrière le grand volant. On a une vue imprenable sur une planche de bord habillée d’un faux bois censé apporter de la chaleur dans cet univers pour le moins austère. Tout cela a le mérite d’être bien construit et agencé et, déjà, on sent la volonté d’Audi de bien faire dans le domaine de la qualité perçue. D’ailleurs, signe qui ne trompe pas, si l’exemplaire en question n’a pas séjourné trop d’années sous un soleil de plomb pouvant fendre le dessus du plastique du tableau de bord, force est de reconnaître qu’en l’espace d’un demi-siècle rien n’a bougé !

Les mauvaises langues avanceront le fait qu’il n’y a pas grand-chose à bord, ce qui n’est pas faux dans l’absolu, l’équipement de série étant du niveau d’une voiture de l’Est des années 80 ! Non, ne cherchez pas de raffinements particuliers, le vrai luxe à bord de ce coupé étant l’espace offert. Car côté performances pures, sans aller à dire que l’on s’ennuie, force est de reconnaître que ce n’est pas l’euphorie qui guette le conducteur.

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Clairement, le confort prime sur tout le reste, du moins sur bon revêtement, car l’amortissement se montre sec en réaction sur les irrégularités de la route, les vénérables barres de torsion n’étant pas aussi efficaces que des ressorts hélicoïdaux. Et si l’auto est capable d’accrocher un très flatteur 185 km/h, force est de reconnaître qu’elle demeure paresseuse en accélération et reprises (0 à 100 km/h en 11,5 sec). Au moins, toute la puissance passe sereinement sur le train avant, sans le moindre débordement parasite ! Ce sera en tout cas suffisant pour rassurer une clientèle plus soucieuse de son bien-être et de son apparence que recherchant des sensations fortes, puisqu’Audi parviendra à écouler 30 687 exemplaires de sa 100 S Coupé jusqu’en 1976…

L’avis d’Avus

Belle, mais pas rebelle, la 100 S Coupé aura permis à Audi d’acquérir une certaine respectabilité, en proposant une auto crédible à la plastique vraiment désirable, et, excepté quelques rares exceptions, elle était globalement du niveau technique de la plupart de ses rivales du moment. En clair, si elle n’a pas été un grand pas pour l’automobile, elle fut un bon de géant pour Audi ! Car bien que plus douée pour le Grand Tourisme à allure de sénateur que pour affoler les chronos, la 100 S Coupé a le mérite d’avoir ouvert à Audi la voie du premium, et de donner à la marque des bases pour viser plus haut, plus loin. Ce sera une certaine Audi quattro, lancée en 1980. Le début d’une incroyable saga…

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Fiche Technique :
Audi 100 S Coupé (1974)

  • Moteur : 4 cylindres en ligne, 1871 cm3
  • Alimentation : carburateur Solex double corps
  • Puissance maxi (ch à tr/mn) : 112 ch à 5800
  • Transmission : roues avant, boîte mécanique à 4 rapports
  • Suspension AV : double triangulation, ressorts hélicoïdaux
  • Suspension AR : essieu rigide, barre Panhard, bras
  • longitudinaux, barres de torsion
  • Freins : Disques pleins (av), tambours (ar)
  • Dimensions L x l x h (m) : 4,40 x 1,75 x 1,34
  • Poids (kg) : 1100
  • Pneus : 185/70 HR 14
  • Vitesse maxi (km/h) : 185 km/h
  • 0 à 100 km/h (sec) : 11,5
  • Cote en 2019 : 30 000 euros (parfait état)
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La mécanique de la berline 100, bien que légèrement optimisée sur le coupé, manque de brio pour inquiéter les coupés les plus sportifs du moment, mais la fiabilité est bien réelle.

Les plus :

  • Ligne superbe
  • Qualité de construction
  • Fiabilité d’ensemble
  • 4 vraie places et un grand coffre !

Les moins :

  • Rare en bel état
  • Performances quelconques
  • Pièces spécifiques introuvables
  • Cote en forte hausse !

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