Essai Audi S1 quattro avec Stig Blomqvist

A block, avec Blomqvist !

 

Stig Blomqvist, vous connaissez ? Non, mais ce nom venu du froid vous dit pourtant quelque chose. Heureusement, car si cet homme n’est pas un grand communiquant, il fut et reste en revanche un pilote chevronné. La démonstration en image, à travers un galop d’essai à domicile en sa compagnie, en Audi quattro S1 !

 

Texte et photos Thomas Riaud

 

Du quatuor infernal « Röhrl, Mouton, Mikkola, Blomqvist », nous renvoyant aux plus belles années de la saga Audi quattro de rallye en Groupe B, ce sont surtout le grand Walter et notre Michèle nationale à nous qui furent les plus médiatiques. Une bipolarité parfois envahissante, qui ne doit en rien occulter le réel talent des autres pilotes de l’équipe aux anneaux. Une mention particulière pour le discret Stig Blomqvist, que nous avons eu le plaisir de rencontrer en plein hiver sur sa terre natale, en Suède.

Large et trapu, taillé comme un solide bûcheron, le nordiste Stig Blomqvist n’est pas réputé pour être très loquace, ni expressif d’ailleurs. Face à la presse, il fait consciencieusement son job, point barre. Il est comme cela le père Blomqvist : il ne parle pas beaucoup, mais préfère agir, avec efficacité. En particulier lorsqu’il se trouve sur des routes verglacées à souhait aux commandes d’une vraie voiture de course, comme une Audi quattro par exemple.

The artist

Là, il se trouve transfiguré, en vous communiquant enfin plein de choses, surtout si l’exemplaire en question est une bestiale version quattro S1. Pour les non-initiés, il s’agit d’un coupé quattro surpuissant (5 cylindres 2.1 turbo de 476 ch), encore allégé (800 kg environ), et raccourci sensiblement au niveau de l’empattement (-30 cm), condition indispensable pour gagner en agilité dans les virages… et accessoirement suivre à l’époque le rythme effréné de nouvelles prétendantes, comme les Lancia 037 ou Peugeot 205 Turbo 16, des authentiques voitures de course avec un moteur central arrière. Pas de quoi effrayer notre homme qui a toujours su tenir un cerceau, depuis son engagement professionnel en rallye en 1973 sur Saab 96. Lucide sur l’incroyable potentiel de celui que l’on appelle affectueusement « l’artiste », Audi l’utilisera d’ailleurs souvent comme « joker » à l’époque, contre les Mikkola, Vatanen, Waldegaard ou autres Salonen, réputés imbattables sur terrain glissant. Ce fut notamment le cas en 1982, où Stig jouait presque à domicile au difficile « rallye des 1000 lacs », contre ses compatriotes nordiques. Une situation tendue qui a motivé à l’époque Audi, déjà bien placé pour décrocher le titre « constructeur », à lui confier une voiture de réserve, qu’il devait placer en embuscade derrière les favoris, juste pour assurer, en cas de défaillance de la part de ses équipiers-vedettes.

Un second rôle pour le moins ingrat, qui n’a pourtant pas empêché notre homme de passer de l’ombre à la lumière à de nombreuses reprises, en particulier au Monte Carlo 1984, avec le triplé historique sur Audi quattro (avec Röhrl, Blomqvist et Mikkola dans l’ordre). Le début d’une longue razzia, couronnée par d’autres succès éclatants, puisque Blomqvist deviendra Champion du monde des rallyes 1984, en s’imposant sur tout type de surface, du verglas du grand Nord aux pistes de terre rouge de l’Afrique. En cette inoubliable année 1984, Stig Blomqvist jouera ainsi la gagne, chez lui, en Suède, puis en Grèce, en Nouvelle Zélande, en Argentine et en Côte d’Ivoire. Autant dire que retrouver aujourd’hui ce grand monsieur reste un moment privilégié, teinté d’une certaine émotion. C’est avec une certaine nostalgie que Stig Blomqvist revient sur cette époque un peu folle et géniale, où les redoutables Groupe B dictaient leur loi en rallye. C’était dans les années 80, au siècle dernier. Une éternité…

 

Brise-glace

Le lieu du rendez-vous est pour le moins inhabituel : un lac gelé, en pleine Laponie. Pour briser la glace, et faire plus ample connaissance, il y a heureusement une S1 quattro prête à prendre la route, une ex-Walter Röhrl. Le temps d’enjamber l’arceau et de m’harnacher dans le baquet, je demande à Stig ce que cette voiture évoque pour lui. « Lorsque j’ai été approché par Audi Sport en 1980, j’étais sceptique à l’idée de piloter une voiture sans renommée, à transmission intégrale. C’était vraiment une nouvelle approche. Avant de l’essayer, je n’imaginais pas l’avantage que cela pouvait apporter. Et pourtant, dès mes premiers tours de roue, j’ai compris que j’avais entre les mains un engin incroyable, qui avait un énorme potentiel. L’association du moteur turbo et du quattro procurait un avantage décisif, suffisant pour gagner. A vrai dire, j’avais du mal à le croire tellement je passais beaucoup plus fort dans les virages qu’avec n’importe quelle autre voiture, surtout sur les surfaces glissantes. Cette voiture, fabuleuse, m’a laissé tellement de bons souvenirs… ». Comme pour joindre le geste à la parole, Stig actionne la pompe à carburant et appuie sur le démarreur. Un grondement sourd emplit l’habitacle. Cette fois, c’est grâce à nos casques, équipés de micros et d’écouteurs, que nous pouvons encore communiquer. Pourtant, le contexte ne s’y prête guère…

 

Collé au fond du siège, Stig enchaîne au souffle du turbo, en s’enfonçant dans les bois, sur une piste forestière étroite et sinueuse bordée de sapins, fermée à la circulation. Je vois le paysage basculer en arrière puis défiler en accéléré, et peine à trouver mes mots tant le spectacle à bord devient surnaturel, avec une aiguille de compteur flirtant avec les 160 km/h. Rouler à cette vitesse sur le sec me paraît déjà risqué, mais alors sur la glace… La situation ne semble pas perturber plus que ça Stig Blomqvist, qui trouve encore le temps de me parler calmement, en apnée, entre deux contre-braquages. « Avec l’A2 quattro, le coupé à châssis long des débuts, nous avions du mal à tourner dans les épingles rencontrées sur certains rallyes. En raison du système de transmission entre l’avant et l’arrière, nous ne pouvions pas utiliser le frein à main, sous peine de tout casser. Cela est devenu problématique lorsque sont apparues les 205 T16 et Lancia 037, plus courtes, donc plus agiles. Avec la compacte S1, équipée en plus d’une direction assistée et d’un frein à main utilisable, nous parvenions enfin à combler cette lacune, même si l’auto devenait en contrepartie plus instable ».

Vu de mon siège, elle ne paraît pas si instable que ça cette S1, tant tout semble plus facile et rassurant lorsque Stig est aux commandes. Pourtant, semblable à un funambule travaillant sans filet, tout faux-pas hors trajectoire est ici lourdement sanctionné. J’observe, médusé, un incroyable ballet entre des mains agiles et précises et des pieds au diapason, celui de gauche venant souvent taper les freins, le droit restant sur les gaz pour conserver un régime-moteur optimal, dans la plage du turbo. « Regardez ! C’est une technique efficace pour faire pivoter la voiture en entrée de virage. Walter a mis du temps à la maîtriser ! En tout cas, je retrouve exactement le feeling de pilotage que j’avais avec à l’époque, même si les pneus sont moins efficaces et que le moteur a perdu quelques chevaux, afin de le préserver de la casse ». Ah bon, je n’avais pas remarqué ! Croyez-moi, il en reste bien assez pour impressionner votre serviteur, à la fois heureux et inquiet de jouer au « sac de sable » dans le baquet de droite. Après ce galop d’essai, parcouru à bride abattue dans la poudreuse, Stig rejoint les rives du lac et immobilise la S1 quattro. C’est le calme après la tempête, et l’heure pour l’un comme pour l’autre de prendre une « retraite » bien méritée, avec le sentiment du devoir accompli et du travail vite fait… mais bien fait !

 

Caractéristiques techniques : Audi S1 quattro, 1985

Moteur : 5 cylindres en alliage léger, 2133 cm3, avec turbo KKK

Distribution : 2 ACT

Alimentation : gestion électronique intégrale Bosch L-Jetronic

Puissance maxi (ch à tr/mn) : 476 à 6700

Couple maxi (Nm à tr/mn) : 357 à 3700

Transmission : intégrale, boîte mécanique à 5 rapports

Suspension AV : Pseudo McPherson, barre stabilisatrice

Suspension AR : Pseudo McPherson, barre stabilisatrice

Freins : 4 disques ventilés

Dimensions (L x l x h) : 4m15 x 1m80 x 1m34

Empattement : 2m22

Voies AV/AR : 1m49 / 1m49

Poids : 800 kg

Pneus (AV / AR) : 235/45 VR 15

Performances

Vitesse maxi (km/h) : 230 environ

0 à 100 km/h : 4,5 sec

 

Stig Blomqvist, en bref

Naissance en 1946, en Suède

Débute le sport automobile en 1964

Débute le championnat du monde des rallyes en 1973, sur Saab 96 V4

Met fin à sa carrière en 2006. A couru 32 saisons sur 36 possibles, un record !

Palmarès : 122 courses, 33 podiums, 11 victoires, le titre WRC 1984 sur Audi.

 

 

 

 

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