Au milieu des années 80, un immense travail a déjà été accompli, passant par un changement d’image drastique, rendu possible par des innovations majeures
(5 cylindres turbo, transmission intégrale quattro…). Et Ferdinand Piëch, qui est bien sûr à la manœuvre, a bien pris soin de le faire savoir, en engageant avec le succès que l’on sait l’Ur quattro en rallye. C’est sur ces excellentes bases que Piëch va pouvoir plus sereinement lancer la « phase 2 » de sa vision sur le long terme du devenir de la marque, en faisant monter Audi en gamme sur tous les segments. Et en s’aventurant même sur des niches jusqu’alors délaissées par la marque aux Anneaux, comme celle des limousines, ou des cabriolets… Clairement, cette décennie va être très riche en nouveautés, avec l’arrivée de modèles phares comme les premières A4, A6 et A8. Une stratégie n’ayant qu’un objectif : le premium, jusqu’alors jalousement partagé entre Mercedes et BMW.
1986 (nouvelles Audi 80 « B3 » et « B4 ») : faire coup double
Autant compacte que pratique au quotidien, mais aussi pas trop chère, la « petite » 80 est un best-seller pour Audi, qui parvient à séduire un large public de conquête. Pas assez au goût de Piëch qui va dédoubler l’offre en lançant en 1986 la 3ème mouture « B3 », sous les noms officiels d’Audi 80 et Audi 90. Derrière une carrosserie toute en rondeurs, incroyablement bien profilée, se cache en fait une seule et même voiture. Si la 80 drague une clientèle moins argentée avec ses 4 cylindres essence et diesel raisonnables, la « 90 » se réserve au contraire les finitions hautes et les plus gros moteurs, dont deux 5 cylindres en ligne (2.0 de 115 pour la version « E » économique et 2.2 de 136 ch). Bien sûr, d’emblée, la transmission intégrale quattro est disponible en option. Pour soutenir cette montée en gamme, la 90 voit l’arrivée, dès 1988, d’un inédit et brillant 2.0 20 soupapes de 160 ch (poussé ensuite à 170 ch), doté d’office de la transmission quattro. Une vraie « licorne » sur le marché des petites berlines (4m39), capable d’atteindre sans sourciller les 215 km/h ! En 1991, Audi va enfoncer le clou à travers une « nouvelle 80 » (le matricule « 90 » disparaît pour plus de cohérence). Si elle se pose dans la continuité de sa devancière, faisant presque penser à un simple restylage, cette Audi 80 « B4 » plus cossue, est pourtant nouvelle à bien des égards. Et voit ses ambitions sérieusement revues à la hausse en gagnant, dès 1992, une inédite déclinaison break saluée par le public, sans parler de l’introduction des sobres et performantes TDI.
Rivale directe des Mercedes 190 et BMW Série 3 du moment, la 80 « B4 » sort même l’artillerie lourde en lançant d’inédites déclinaisons sportives. En plus d’un onctueux V6 2.8 de 174 ch, Audi propose à partir de 1994 une déjà très convaincante S2, équipée du 5 cylindres « turbo » de 230 ch issu du coupé (voir paragraphe dédié). Mais le vrai coup de génie sera, à partir du break, de lancer la même année le tout premier dérivé signé « RS ». Construite avec l’aide de Porsche avec qui Piëch a conservé quelques accointances, la RS2 bénéficie toujours du 5 cylindres Audi, mais il est revu de fond en comble à Stuttgart pour développer 315 ch. Outre un look bien spécifique, cette Audi dotée naturellement en série du système quattro parvient à atteindre des performances incroyables jusqu’alors réservées aux coupés sportifs les plus aiguisés (262 km/h). Mieux, elle défriche la niche encore inexistante des breaks surpuissants, un genre qui deviendra un grand classique chez Audi. Malgré une production limitée à seulement 2900 exemplaires jusqu’en 1995, la RS2 deviendra une Audi culte et inspirera le respect chez Mercedes et BMW. Pour préparer le lancement de l’inédite A4, voulue encore plus qualitative, Audi interrompra de façon anticipée la carrière de la 80 B4 en 1994, après en avoir produit 739 955 exemplaires. Pas mal du tout pour un modèle premium à la carrière aussi éphémère !
1988 (nouvelle Audi Coupé) : pour rester dans le monde des GT
A la fin des années 80, la vénérable Ur quattro, malgré son beau palmarès, commence à accuser le poids des ans. Même si les volumes de vente demeurent limités, un coupé Grand Tourisme, c’est bon pour l’image, surtout pour un constructeur qui chercher à se hisser dans la sphère du haut de gamme. Charge donc à l’Audi « Coupé », de prendre le flambeau à partir de 1988. En cette année, la vieillissante Ur quattro est encore en vente, et jusqu’en 1989, le client Audi pouvait voir ces deux GT d’exception se côtoyer dans un show-room de la marque ! De l’Ur quattro, le coupé fait table rase et emprunte beaucoup à l’Audi 80 « B3 », à commencer par ce style fluide tout en rondeurs, bien plus dans l’air du temps. Ce design sobre et de bon goût, se démarque tout de même par une ceinture de caisse assez haute et une faible surface vitrée, des caractéristiques qui seront reprises bien plus tard par une certaine A3. Et de l’ancêtre Ur quattro, le nouveau coupé en conserve le meilleur, c’est-à-dire le 5 cylindres 2.3 « turbo » dans son ultime évolution à 20 soupapes, délivrant sur la version de pointe S2 pas moins de 230 ch. Le tout bien entendu accompagné du système quattro et d’une boîte manuelle à 6 rapports. Evidemment, afin de séduire une large clientèle, ce coupé proposera également des versions nettement plus sages en simple traction avant (4 cylindres 2.0 de 113 ch, 5 cylindres 2.3 de 136 ch et 170 ch), sans oublier un noble V6 2.8 de 174 ch. Ce coupé vendu à 73 827 exemplaires assurera une transition honnête jusqu’en 1995, année de lancement d’un certain TT…
1988 (Audi V8) : la folie des grandeurs
Pour rivaliser à armes égales avec BMW et Mercedes, il manque à Audi une limousine de prestige, pouvant donner le change face aux inoxydables Série 7 et Classe S. C’est ainsi qu’est dévoilée en 1988 la prestigieuse Audi V8. Un nom simple qui évoque immédiatement le prestige à travers sa motorisation. Ainsi, Audi glisse sous le long capot un V8 3.6 de 250 ch, couplé à une boîte automatique, le marché américain étant son principal débouché. Mais les ventes ne décollent pas, si bien qu’Audi va revoir sa copie en allant vers davantage de dynamisme, en proposant d’abord une boîte manuelle à 5 vitesses dès 1990, puis un V8 4.2 de 280 ch plus performant, couplé à une boîte manuelle à 6 rapports. Bien sûr, faut-il le préciser, la transmission intégrale quattro est du voyage. Et pour séduire un public autant fortuné qu’exigeant, Audi propose même une déclinaison limousine allongée de 30 cm ! Malgré tous ces efforts, cette grande berline au style sans doute trop conservateur peinera à séduire plus de 21 565 clients dans le monde jusqu’en 1994, année de son retrait. Pour mieux accueillir l’A8 !
1990 (Audi 100 C4) : assurer… et rassurer
Pour cette 4ème génération de berline 100, Audi ne prend aucun risque et se contente de proposer une synthèse entre le style aérodynamique et rondouillard de la petite 80 et celui, plus classique, de la grosse V8. Si ce design assez conservateur ne surprend guère, il séduit néanmoins par son élégance et la justesse de ses lignes, et ce, en berline, comme en break Avant. Sous le capot, les classiques 4 cylindres assurent le gros des ventes, en essence (2.0 E de 115 ch) ou en diesel (2.4 D de 82 ch et surtout 2.5 TD de 115 ch), mais aussi les 5 et 6 cylindres (2.3 de 133 ch et 2.8 de 174 ch). Pour satisfaire les sportifs, une version S4 quattro dotée du 5 cylindres 2.3 turbo de 230 ch est bien entendu proposée (244 km/h). Une version de pointe qui gagne peu avant le retrait de ce modèle le moteur de la grosse limousine V8, un 4.2 de 280 ch couplé à une bonne vieille boîte manuelle à 6 rapports, faisant de cette dernière S4 une sportive de très haut niveau pouvant aisément dépasser les 250 km/h. C’est sur ce coup d’éclat que cette ultime Audi 100 tire sa révérence en 1994 après avoir séduit 570 000 amateurs. Un retrait dont va profiter une toute nouvelle classe de grande routière, baptisée A6…
1991 (Audi cabriolet) : sous le soleil d’Ingolstadt
En 1988, Audi lance son nouveau coupé, afin de conserver un pied dans le monde du grand tourisme et de bétonner son image. Mais pour parfaire cette dernière justement, rien ne vaut un cabriolet, une niche où la marque aux Anneaux a toujours brillé par son absence jusqu’ici. En 1991, le rêve devient donc réalité, Audi commercialisant avec son 5 cylindres 2.3 de 136 ch son cabriolet, étroitement dérivé de son dernier coupé du moment. Bien sûr, il s’agit de répliquer à la BMW Série 3 décapotable, mais aussi de séduire une nouvelle clientèle plus bourgeoise. Côté esthétique, c’est un sans-faute, l’Audi cabriolet jouant à fond la carte du classicisme avec sa capote en toile (d’abord manuelle), tout en offrant une certaine modernité, en parvenant à se passer d’un disgracieux arceau de sécurité. Une ablation rendue possible par un renfort des soubassements et des longerons, alourdissant d’autant la voiture. Avec elle, pas question de jouer la carte de la sportivité – le coupé est là pour ça – mais plutôt celle de la balade, coude à la portière. Et autant le faire entre amis, ce cabriolet offrant 4 vraies places. L’intérieur, mis en valeur par un superbe jonc en aluminium ceinturant l’habitacle, séduit déjà par sa finition remarquable et sa dotation complète. En 1993, Audi va glisser au catalogue le V6 2.8 de 174 ch, plus agréable pour sa souplesse que pour son punch, l’année 1994 voyant l’arrivée d’un autre V6 2.6 de 150 ch pour remplacer le 5 cylindres, mais aussi l’introduction d’un 2.0 de 115 ch pour le moins poussif. Pire, en 1995, Audi va oser proposer un 1.9… diesel de 90 ch ! L’auto évolue peu, si ce n’est que la capote électrique est généralisée. En 1997, le 2.0 de 115 ch d’entrée de gamme est avantageusement remplacé par un plus tonique 1.8 20V de 125 ch, et pour l’année 1998, Audi lui offrira un léger restylage. Mais entre le succès de la nouvelle A3 et du « phénomène TT », Audi regarde déjà ailleurs, laissant son cabriolet prendre sa retraite en 2000, après avoir été vendu à 71 354 exemplaires…
1994 (Audi A8 Mk1) : la meilleure, tout simplement…
Après s’être risqué sans grand succès sur le marché du très haut de gamme avec sa V8 (1988 – 1994), Audi revient à la charge avec l’incroyable A8. Sur le plan du style, sa carrosserie longue (5m03), lisse et épurée puisant son inspiration parmi les réalisations les plus récentes d’Ingolstadt (Audi 80 B4 et Audi 100 C4) fait instantanément mouche, donnant un vrai « coup de jeune » à cette catégorie pourtant habituellement très conservatrice. Une modernité que l’on retrouve en lisant la fiche technique, cette première A8 bénéficiant d’une structure ultra légère de type ASF (Audi Space Frame), entièrement en aluminium. Un atout de taille absent chez la concurrence directe, qui profite tant aux qualités dynamiques qu’aux performances, tout en soignant les consommations. Avec cette A8, Piëch tient enfin l’outil parfait pour malmener l’hégémonie de ses éternels rivaux ! Au-delà de ces aspects, il faut préciser que la finition est somptueuse, la dotation de série pléthorique et les moteurs proposés à la hauteur. Dès le lancement Audi déballe l’artillerie lourde en proposant en entrée de gamme un « petit » V6 2.8 de 174 ch, secondé par un V8 4.2 de 300 ch, le tout couplé à la fameuse transmission intégrale quattro, apportant à cette A8 un niveau de sécurité encore jamais vu dans la catégorie. Pour sublimer les qualités routières de son vaisseau amiral, Audi lance en 1997 un 3.7 intermédiaire, mais surtout l’improbable S8, à moteur V8 de 340 ch. Avec un poids contenu à moins de 1800 kg, jamais on n’avait vu une limousine afficher de telles performances ! Et pour satisfaire les gros rouleurs, Audi lancera une sobre et performante version 3.3 TDI de 225 ch, mais aussi – prestige oblige – une incroyable version W12 6.0 de 420 ch. Avec cette A8 produite à 109 988 exemplaires jusqu’en 2002, Audi prouvera au monde entier que sa vitrine technologique était la meilleure du segment à l’époque, tout simplement…
1994 (Audi A6 Type C5) : du neuf avec du mieux
Apparue en 1994, cette première génération d’A6 (mais 5ème depuis la 100) semble être qu’une simple évolution de la dernière berline 100, tant elle lui ressemble ! Un conformisme rassurant pour une clientèle qui n’aime pas être trop dépaysée, mais au-delà des apparences, cette A6 disponible dès le lancement en berline et en break Avant coche toutes les bonnes cases. Outre un habitacle vaste et bien construit, cette grande routière rassure en « offrant » l’airbag conducteur et l’ABS dès l’entrée de gamme 2.0 de 115 ch. Pas moins de 7 autres moteurs sont par ailleurs disponibles, dont deux V6 (2.6 de 150 ch et 2.8 de 174 ch), mais aussi une S6 Turbo de 230 ch et même une S6 4.2 V8 !
Cette génération inaugure les premiers « packs » d’équipements, mais aussi des inserts en carbone sur les variantes sportives, des éléments optionnels toujours prisés de nos jours. A partir de 1996, cette A6 muscle son jeu en rafraîchissant sa palette de moteurs, et une inédite S6 Plus, ancêtre direct de celle qui deviendra la RS6, fait son entrée. Suréquipée, cette A6 très musclée déclinée en berline et en break reçoit un noble V8 32 soupapes de 326 ch, couplé à une boîte manuelle à 6 rapports. Mais malgré ces indéniables qualités, la clientèle s’impatiente et souhaite bénéficier d’une A6 plus moderne d’apparence, s’inspirant de la toute nouvelle A4. Audi en est conscient et met un terme prématurément à ce modèle de transition à la carrière pour le moins brève, puisqu’elle s’effacera en 1997 au profit d’une A6 revue de fond en comble, bien plus avenante. Seuls 277 219 exemplaires auront été produits durant 4 années…
1994 (Audi A4 Mk1) : nouvelle ère
Au milieu des années 90, Audi fait feu de tout bois et se débarrasse progressivement de ses anciens modèles, au profit d’une nouvelle génération qui étrenne une nomenclature inédite. La vénérable Audi 80 est donc remplacée fin 1994 par la toute première A4 « Type B5 ». Même si elle repose sur la plateforme de la VW Passat, elle s’en distingue par son style propre, très dynamique et épuré, amorçant un vrai renouveau stylistique. La gamme, très large, compte pas moins de 9 versions, allant d’une placide 1.6 de 101 ch à une 2.8 quattro, sans oublier un 1.9 TDI de 90 ch. Bien sûr, la transmission intégrale quattro est du voyage sur les versions les plus puissantes. A partir de 1996, un très beau break Avant vient étoffer l’offre, une version proposée dans un premier temps exclusivement avec un nouveau 1.9 TDI de 110 ch qui saura séduire une très large clientèle.
Pour l’année 1999, l’A4 monte le curseur en prestations en gagnant un V6 2.4 de 165 ch, mais aussi un V6 TDI 2.5 de 150 ch et même une sportive S4 dotée d’un V6 biturbo de 265 ch. Un moteur fabuleux, attelé à la berline comme au break, ce dernier bénéficiant d’un positionnement plus haut de gamme en disposant, de série, d’une dotation enrichie (sièges en cuir électriques, régulateur de vitesse, chargeur CD, peinture métallisée…). Une stratégie assumée chez Audi, qui cherche à pousser le break vers des sommets. Ainsi, après le léger restylage de 1999, l’A4 Avant va poursuivre une fort belle carrière, et même donner un coup d’accélérateur en 2001, dernière année de production, en se muant pour la première fois en RS4. Héritière directe de l’éphémère RS2, la RS4 dispose cette fois d’un V6 2.7 biturbo de 380 ch mis au point par le spécialiste Cosworth, une entité au savoir-faire unique achetée par Audi. Ainsi s’achèvera en beauté la carrière de cette première A4, vendue à 1 938 878 exemplaires…