DOSSIER : De la piste au circuit -> 40 ans de « quattro show »

Après son retrait du rallye en 1986, Audi s’est orienté, souvent avec un égal bonheur, vers d’autres disciplines, mettant en vedette la transmission intégrale quattro. Morceaux choisis de ce véritable « quattro show ! » !

Toujours plus haut : la course vers les nuages !

La bestiale S1 quattro s’est retirée du rallye, mais elle n’a pas encore livrée sa dernière bataille. Elle est très sérieusement optimisée encore, pour cette fois défier sur leurs terres les américains sur la célèbre course de côte de Pikes Peak. Long de 19,9 km, ce tracé autant mythique qu’exigeant comporte 156 virages, souvent au bord du vide. L’intégralité du parcours se déroule en altitude, avec un départ donné à 2865 m, tandis que le finish est situé au sommet, quelques 1440 m plus haut !

Même si le tracé a été goudronné en 2012, inutile de préciser que cette course légendaire, existant depuis 1916, est autant dure pour les organismes que les machines. Baptisée S1 quattro E3 (pour Evolution 3), cette Audi sérieusement revue et corrigée se reconnaît au premier coup d’œil avec ses énormes appendices, destinés à plaquer la voiture au sol. Il vaut mieux, car jamais son 5 cylindres ne s’est montré aussi puissant : on parle de près de 700 ch, ceci afin de compenser la perte de puissance en raison de l’altitude, ce qui lui vaudra le surnom de « le monstre » ! La S1 quattro E3 s’adjugera 3 records d’affilé, de 1985 à 1987, avec pour pilotes Michèle Mouton puis Bobby Unser et enfin Walter Röhrl, le premier pilote à passer sous la barre des 11 minutes (10 min 47 sec 85). Respect.

Saga Africa

Peu de gens le savent, mais Audi s’est risqué au terrible Dakar durant l’édition 1985, avec pas moins de 5 voitures engagées (dont 2 privés). Certaines ne termineront pas l’épreuve, le meilleur résultat étant attribué à la quattro de Lapeyre – Lourseau, qui termine en 17ème position, à 42 heures 18 min et 13 sec du Mitsubishi Pajero victorieux (de l’équipage Zanirolli – Da Silva).

Après avoir triomphé sur la neige en rallye, Audi s’est essayé aux pistes africaines,
avec l’Ur quattro tout d’abord, puis avec la berline 200.

Au-delà de cette parenthèse méconnue du grand public, Audi a aussi tenté sa chance à partir de 1987 en Groupe A (après l’interdiction des Groupes B), avec sa berline 200 quattro, toujours en championnat du monde des rallyes. Avec un certain succès, notamment sur les terribles pistes africaines du safari du Kenya, où Hannu Mikkola terminera premier, devant Walter Röhrl, doté de la même voiture.

Il était une fois en Amérique

Après avoir fait tomber 3 records d’affilé àPikes Peak (de 1985 à 1987), Audi part à la conquête de l’Amérique en Championnat TransAm, chasse gardée des américains, avec la grosse berline 200. Une voiture solidement préparée en Allemagne, allégée (1115 kg) et surpuissante (5 cyl. 22.2 turbo 20v 510 ch), dotée naturellement de la transmission intégrale quattro. Si l’engagement de cette grande berline, confiée aux pilotes Hurley Haywood, Hans-Joachim Stück et Walter Röhrl fait au début sourire les américains, ils vont vite déchanter face aux performances alignées, la voiture s’imposant sur 10 courses sur 13 que compte le Championnat !

La 90 IMSA-GTO est une auto de course incroyable, dotée elle aussi du quattro
et du 5 cylindres turbo, sauf qu’il est poussé ici à… 720 ch !

L’année suivante, toujours aux USA, Audi engage cette fois en IMSA-GTO, un championnat encore plus libéral que la Trans-Am, une berline 90. Bodybuildée de partout, elle est également équipée de fameux 5 cylindres turbo maison 20v (mais on parle de 720 ch !) et toujours de la transmission intégrale quattro. La voiture manquant de mise au point, elle déclarera forfait en début de saison, à Daytona puis Sebring. Une fois bien préparée, la 90 IMSA fait ensuite parler la poudre, en enchaînant 6 victoires dont 4 doublés ! Malgré cette performance, la 90 IMSA doit se contenter de la place de vice-championne de la catégorie, les Lincoln-Mercury, plus régulière sur la saison, s’imposant de très peu.

Sur circuit à domicile…

Après son aventure américaine, Audi rentre au pays et s’engage en 1990 dans le très populaire (et relevé !) Championnat d’Allemagne Tourisme (DTM). Pour relever ce défi, Audi tente l’impossible en engageant son vaisseau amiral, l’imposante limousine V8, ancêtre direct de l’A8 ! Allégée à 1120 kg, la grosse berline bénéficie d’une sérieuse cure de vitamines (V8 3.6 de 420 ch), et se voit là encore équipée du quattro, pour continuer de faire la promotion de cette transmission miracle.

Les BMW M3 et Mercedes 190 2.5 16 Evo, principales rivales, ne peuvent rien faire pour contrer la suprématie écrasante de la grosse Audi V8 qui remporte le Championnat, en triomphant à Hockenheim devant son public ! En 1991, rebelote, le char d’assaut de course Audi V8s’impose à nouveau (avec le team Hans-Joachim Stück et Frank Biela). Pour arrêter cette insolente domination, les instances prennent une décision radicale : interdire les voitures motorisées par un V8 !

Les Audi V8 quattro, bien que lourdes et imposantes, vont faire parler la puissance brute et écraser la concurrence en DTM au point de provoquer leur exclusion l’année suivante !

… et en France

En France, l’équivalent du DTM est le « Super Tourisme », qui exige d’utiliser à l’époque une berline 4 portes de 4,20 m minimum, d’aspect très proche de celle produite en série (à 25 000 exemplaires minimum), avec un moteur 2.0 litres de série. Audi France (VAG) s’y essaie dès 1989 avec sa 80 quattro du moment, qui s’imposera à maintes reprises avec Marc Sourd et Xavier Lapeyre à son volant (jusqu’en 1992).

A partir de 1993, c’est le constructeur lui-même, via Audi Sport, qui engage officiellement trois Audi 80 quattro 16v d’usine. Le règlement a depuis changé (puissance en baisse, interdiction des kits aérodynamiques…), mais le talent reste, puisque la voiture remportera également ce championnat, avec pour pilotes Marc Sourd et Frank Biela, ce dernier qui fera ensuite beaucoup pour Audi.

Dès 1994, en Championnat de tourisme allemand « D1 Adac », Biela justement s’impose à nouveau sur Audi, et devient champion du monde l’année suivante de supertourisme. Il se classe juste devant Emanuele Piro, lui aussi pilote Audi, qui apportera de son côté le titre « constructeur » sur les terres italiennes avec une A4 Super-touring. L’année 1996 est à retenir, Audi glanant 7 titres nationaux dans 7 pays. Un triomphe !

Audi marquera aussi le sport automobile en France, sur circuit en super tourisme notamment, avec les berlines 200 turbo et Audi 80, puis la nouvelle A4. Une période riche en succès animée par les pilotes Xavier Lapeyre, Marc Sourd et Frank Biela…

Dé-Mans !

A la fin des années 90, Piëch est au sommet de sa carrière, avec l’immense satisfaction d’avoir pu démontrer, aux yeux du monde entier, la qualité indéniable des Audi, et du quattro en particulier. Grâce à son « avance par la technologie », Audi est enfin une marque premium respectable et respectée, légitimement du niveau de BMW et Mercedes.

Enfin, presque… Il lui manque encore, à son palmarès, au moins une victoire au Mans, la course d’endurance mancelle ayant une aura mythique dans le monde entier. Pour avoir supervisé le développement de la 917 lorsqu’il était chez Porsche, Piëch connaît et apprécie particulièrement cette épreuve phare, ce qui vaut dès 1999 l’engagement d’Audi en endurance, avec un certain prototype du nom de R8.

Avec cette fois le Dr Ullrich comme team-manager, Audi va encore écrire l’une des plus belles pages du sport auto. Si Porsche reste détenteur du record de victoires (19 !), chose logique étant donné que sa première participation aux 24H du Mans remonte à 1970, Audi se classe second, avec 13 victoires au compteur, dont deux triplés en 2000 et 2002, ainsi qu’un doublé en 2001.

Piëch, marqué par son expérience du Mans à travers l’aventure Porsche 917, militera activement pour un engagement d’Audi en endurance. Ce sera un incroyable succès, avec plus de 13 victoires au Mans avec les R8 puis R18 ! Depuis, un slogan historique est né : « Le Mans, the home of quattro ».

Lors de cette incroyable épopée, qui a tout d’un hold-up, un autre pilote entrera également dans la légende, un certain Tom Kristensen, détenteur à lui seul de 9 victoires au Mans. Un record ! Ce nom restera associé à tout jamais, comme celui de ses camarades Röhrl, Blomqvist, Mouton, Mikkola et autres Biela, à l’incroyable saga d’Audi dans le sport automobile…

Groupe S ou l’Audi fantôme

Pour remplacer les défuntes Groupes B, interdites en 1986 par la FIA suite à de nombreux accidents meurtriers, il est prévu d’introduire les « Groupe S », un projet déjà en gestation. Si la puissance est bridée à 300 ch, le règlement est plus permissif au niveau des carrosseries, qui peuvent totalement s’affranchir du style des modèles de série, à condition d’en produire 10 (contre 200 en Groupe B). Lancia, Mazda, Lada et Toyota se montrent séduits par cette formule plus permissive et construisent un prototype, tandis que Ford tente d’adapter sa RS200, déjà engagée en Groupe B.

Tous les prototypes de la méconnue RS 002 seront détruits à la demande de Piëch… excepté cet exemplaire miraculé, caché chez Roland Gumpert !

De son côté, Audi également planche sur un prototype, mais cette initiative isolée, est restée secrète durant plus de… 30 ans ! En fait, nous avons découvert le seul prototype survivant en visitant les réserves secrètes du musée Audi d’Ingolstadt ! La légende raconte que Roland Gumpert, en charge d’Audi Sport depuis 1982, a tenté à maintes reprises de convaincre Ferdinand Piëch de concevoir un sport-prototype à moteur central arrière pour gagner en agilité par rapport à la lourde et encombrante quattro à moteur avant. Cette solution technique pourtant évidente, sera toujours écartée par Piëch, qui mettait un point d’honneur à engager en course une auto proche, sur le plan esthétique et technique, du modèle vendu dans le commerce.

Pragmatique, Roland Gumpert, alors à la tête d’Audi sport lors de l’engagement de la quattro en rallye, a conçu cet improbable sport-prototype, une vraie machine à gagner compacte et légère, disposant du moteur 5 cylindres en position centrale arrière. Piëch ne voudra jamais en entendre parler !

La seule concession sera la construction de la Sport quattro, dotée d’un empattement raccourci, ce qui restait bien sûr insuffisant. Pourtant, la concurrence ne se gênera pas pour aller dans le sens du moteur central-arrière (Lancia 037, Peugeot 205 T16, Renault 5 Maxi Turbo, Ford RS200…). Faisant fi de l’interdiction de Piëch, et même à l’insu de la direction de Volkswagen AG, Roland Gumpert fera donc construire, en totale discrétion, quelques prototypes, en vue d’être prêt pour un éventuel engagement en Groupe S. Les mulets, maquillés avec une carrosserie de Sport quattro, seront testés dès 1985 loin des regards indiscrets en Tchécoslovaquie communiste, avec l’aide du pilote Walter Röhrl qui a, paraît-il, été emballé par le comportement de cette nouvelle voiture. Il est vrai que dans le cas présent, cette Audi quattro sport RS 002 (son nom officiel), fait tout pour privilégier l’efficacité absolue !

Sous sa forme définitive, la voiture n’est pas belle, avec sa carrosserie courte et profilée, surmontée d’un énorme aileron. Mais elle est compacte, et on imagine qu’avec le 5 cylindres 2.2 turbo dans le dos, et 4 roues motrices, elle doit être redoutable ! Malheureusement pour Gumpert, un photographe-espion parviendra à débusquer le prototype en pleine séance d’essais, et les photos seront publiées dans la presse. Piëch, furieux d’être mis devant le fait accompli, limoge Roland Gumpert et fait détruire tous les prototypes de RS 002 existants ! Tous ? Sauf un, Roland Gumpert ayant pris soin d’abriter et cacher un exemplaire chez lui. Un véritable survivant, témoin de cette période méconnue, qui a depuis été racheté par Audi Tradition et que nous vous proposons de découvrir ici…

Avus:
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