Audi S8 2020

Super 8 !

Rouler en A8 dernier modèle n’est déjà pas banal, et reste un privilège réservé à une poignée d’automobilistes. Mais le faire en variante sportive S8, encore bien plus exclusive, tient vraiment de l’exceptionnel. La preuve par l’essai express de cette super A8 !

Par Jack Seller, photos Joseph Bonabaud

En bref
4ème génération de S8 (type D5)
Moteur V8 TFSI 4.0 biturbo571 ch
Disponible en version normale de 5m17 et longue de 5m30
Suspension « intelligente » révolutionnaire montée en série

Cette S8 reçoit, dans la « salle des machines », le fantastique V8 4.0 biturbo déjà en place sur les dernières Bentley Continental GT, Porsche Panamera et autres Lamborghini Urus. Un paquet de muscles au punch inégalé !

Question : qu’est-ce qui est mieux qu’une A8 ? Une S8 pardi ! Et chez Audi, il en va dans ce cas précis comme de certaines lettres au Monopoly, car ce « S », synonyme de sportivité débridée et assumée, compte ici triple ! Une manière comme une autre de se rattraper, car à défaut de proposer une variante RS, comme sur la plupart des autres modèles de la gamme, l’A8 a (jusqu’à présent !) été contrainte de se contenter de ce « simple » dérivé siglé « S ». Objectivement, il n’y a pas grand-chose à regretter, tant chaque génération de S8 s’est, jusqu’à présent, surpassée au point de devenir une référence dans la catégorie des limousines. C’était le cas sur la dernière génération, dotée d’un extraordinaire V8 TFSI 4.0 biturbo développant jusqu’à 605 ch en version « S8 plus ». Pour la nouvelle mouture essayée ici, ce sera un peu… moins, le V8 étant « dégonflé » à 571 ch. Sauf qu’on parle bien dans le cas présent d’une version d’entrée de gamme, car il y aura probablement en complément, dans les mois à venir, une variante « Performance » encore plus méchante, approchant les 650 ch.

Bon, même en devant se contenter « que » de 571ch, on ne portera pas plainte. Déjà, c’est mine de rien un cheval de plus que sur la R8 V10, et Audi promet à l’heureux acquéreur de cette S8 une nouvelle fois monts et merveilles. Avec 800 Nm de couple délivré dès 2000 tr/mn et la présence d’une hybridation légère 48V il ne pouvait en être autrement… Mais avant de partir décrocher la lune à son volant, il convient déjà de faire le tour du propriétaire pour voir de quoi il retourne. On va se parler franchement : on n’a jamais été fan des grosses berlines 3 volumes, très classiques et un brin vieillottes sur la forme avec leur malle arrière. Et malgré son statut de porte-étendard de la catégorie, la traditionnelle A8 ne déclenche pas de passion à la rédaction. Pourtant, en regardant dans le rétroviseur, force est de reconnaître qu’en dépit des contraintes imposées par ce genre, les premières A8 étaient plutôt jolies et dynamiques d’aspect. C’était notamment le cas de la toute première mouture apparue en 1994 (Type D2 pour les intimes), avec une carrosserie profilée lisse comme un galet, et déjà redoutable sur la route en S8 avec son V8 délivrant jusqu’à 420 ch sur les 4 roues grâce à la transmission intégrale quattro.

« Comme au Monopoly, ce « S », synonyme de sportivité débridée et assumée chez Audi, compte ici triple ! »

La type D3 apparue en 2002, encore plus belle peut-être avec son arrière épuré et sa proue plus agressive arborant une amorce de calandre Single frame, fait également bien plus fort côté mécanique. En effet, comme pour fêter le récent rachat de Lamborghini par Audi, ultime caprice de Ferdinand Piëch à l’époque, elle abrite sous son long capot le V10 de la Gallardo, un moteur incroyable, quoique dégonflé pour les circonstances à 450 ch. En 2010, place au troisième opus (Type D4), moins pure et élégante d’après nous sur le plan du style, mais toujours plus puissante et performante. Comme ses ancêtres, elle reçoit une structure et carrosserie intégralement en aluminium (structure Audi Space Frame), et bien qu’elle revienne à un V8, elle surclasse tout ce qui roule dans la catégorie en délivrant 520 ch en S8 grâce à son 4.0 litres biturbo, et même, comme on l’a déjà précisé, jusqu’à 605 ch en fin de carrière sur l’éphémère version « S8 plus » apparue en 2015. Un vrai moteur de course, capable de propulser cette limousine à plus de 300 km/h. Autant dire qu’en poussant le curseur aussi haut, nous attendions forcément beaucoup de l’ultime génération.

La limousine ambivalente, capable de rouler à une allure de sénateur en offrant un confort « smoothy », mais aussi d’envoyer très fort, au point de tutoyer en performances pures un… TT RS !

Techno-parade

Cette génération « type D5 » marque un tournant en osant une rupture au niveau du style. Si nous saluons dans l’ensemble le travail de fond réalisé dernièrement par Marc Lichte à l’occasion du renouvellement complet de la gamme, nous restons en revanche plus mesuré face au rendu de cette A8. Elle nous paraît lourde à bien des égards, et il ne fait aucun doute que cette surcharge de chromes malvenue n’a pour autre but que de séduire la clientèle bling-bling du Golfe, d’Amérique du Nord et d’Asie, très friande de ce genre d’effets. Accessoirement, c’est surtout une clientèle encore en mesure de pouvoir s’offrir ce vaisseau amiral de 5m17 de long (et même pour la première fois sur la S8 jusqu’à 5m30 de long en châssis « limousine »), un modèle résolument élitiste de toute façon condamné à jouer l’arlésienne chez nous en raison d’une fiscalité devenue vraiment indigeste.

« Ce modèle résolument élitiste est condamné à jouer l’arlésienne en France, en raison d’une fiscalité devenue punitive et indigeste »

On la verra donc peu, mais au moins on l’appréciera à sa juste valeur lorsqu’on la croisera dans la rue. Et on devrait au moins la remarquer, Audi ayant pris soin de la doter de nombreux éléments exclusifs qui font mouche. Outre de belles jantes spécifiques de 20 pouces (21’’ en option) abritant d’énormes disques de 420 mm pincés par des étriers à 10 pistons, la S8 se pare de ses plus beaux atours, dont des coques de rétroviseurs en aluminium brossé et un kit carrosserie spécifique. Bien que relativement discret, celui-ci se démarque suffisamment des autres A8 pour qu’on le remarque, avec ses écopes verticales intégrées dans le bouclier avant, tandis que l’arrière gagne 4 généreuses sorties d’échappement authentiques et pas, comme trop souvent, factices.

Cette S8 ose quelques avant-premières, comme une suspension pneumatique « intelligente », mais aussi proposer ses services en version longue « L » de 5m30 pour séduire les chinois. A quand une déclinaison « RS » et une version break Avant ?

A l’ouverture des portes, la voiture se surélève instantanément de 5 cm pour faciliter l’accès à bord ! S’installer dans ce cocon ouaté fait son petit effet, en ayant le sentiment justifié de prendre place dans une auto d’exception. Bien sûr, de multiples écrans remplacent les traditionnels compteurs, et la présence de fauteuils en cuir à motifs en losange viennent rehausser cette impression, tandis que le carbone s’invite en force sur tous les placages. Et au démarrage, on a droit à un petit cérémonial fort agréable. La voiture semble prendre vie, les divers écrans tactiles noirs s’allumant, tandis que les aérateurs encastrés dans la planche de bord apparaissant soudain en basculants, en position ouverte pour activer la ventilation. Sage précaution, car en ordre de marche, cette sulfureuse S8 sait vite faire monter la température…

Un TGV de la route

Dire que la transmission intégrale quattro est d’office du voyage, c’est un peu comme si on se risquait à préciser que ce fleuron de la gamme Audi dispose de série des vitres et des rétros électriques ! Au-delà de cette banalité, et plutôt que d’énumérer la dotation de série, ce qui réclamerait presque d’éditer un hors-série, il convient surtout de souligner tout ce qu’Audi a fait pour rendre la conduite encore plus sûre et dynamique. Ainsi, notons la présence de 4 roues directrices, gages d’une maniabilité surprenante dans les parkings étroits et offrant de surcroît une agilité étonnante sur une route sinueuse, digne d’une sportive compacte dans les virages, avec un arrière qui enroule véritablement l’obstacle. Mais la S8 va plus loin en recevant un différentiel arrière actif répartissant indépendamment le couple sur chaque roue.

Fidèle à sa réputation, la S8 combine luxe, confort et performances incroyables, le 0 à 100 km/h étant ici effacé en… 3,8 secondes !

Et pour renforcer cet arsenal technologique, la S8 propose pour la première fois une suspension active prédictive avec un contrôle du roulis, permettant de virer à plat dans les virages, quitte à transformer la voiture en centrifugeuse. La voiture semble « lire » en direct la route (ce qu’elle fait d’ailleurs via une caméra intégrée au rétroviseur intérieur), et en fonction de votre vitesse, va elle tarer automatiquement et indépendamment chaque amortisseur pour offrir le meilleur compromis entre sport et confort. Un miracle que l’on doit à des actionneurs électromécaniques agissant sur chaque roue, sur une large plage de 85 mm. A l’usage, dire que c’est convaincant serait inexact : c’est plutôt… bluffant. Car en présentant la voiture face à un ralentisseur, celle-ci anticipe et « boit » totalement l’obstacle, au point de ne rien sentir !

Le plus gros problème, c’est qu’au volant d’un tel TGV de la route, on est tellement coupé du monde extérieur que l’on roule toujours 20 ou 30 bornes minimum au-dessus des limitations de vitesse, et ce, en toute décontraction. A la décharge du conducteur, la S8 est un monstre d’efficacité. Elle est en effet véritablement au-dessus de la mêlée, donnant au conducteur un sentiment souvent justifié de pouvoir « surconduire », cette auto capable de repousser les lois de la physique autorisant bien des audaces. Avec elle, un conducteur lambda devient, comme par magie, presque un bon pilote, tant elle pardonne beaucoup. C’est le cas à l’accélération, les pertes de motricité étant inexistantes, malgré des temps de GT (0 à 100 km/h en 3,8 sec). Mais c’est aussi valable dans les virages, en restant verrouillée au sol tout en contenant le roulis, ou même au freinage, en donnant l’impression de « jeter l’ancre » avec ses énormes disques en carbone-céramique.

Là encore, la suspension pneumatique prédictive fait des prouesses, en corrigeant sans cesse l’assiette. Ainsi, elle réduit de 3° la gite dans les virages, mais aussi le cabrage à l’accélération et la plongée au freinage. Et la plus belle performance de cette limousine surmotorisée est d’accepter sans broncher d’être maltraitée, et de pouvoir recommencer cet exercice à la demande !

L’intérieur offre une finition parfaite et une présentation au-dessus de tout reproche. Dommage que le style de la carrosserie, archi-classique et un peu lourd avec tous ces chromes, ne soit plus avenant.

L’avis d’Avus

Les goûts et les couleurs, en principe, ça ne se discute pas, mais de notre point de vue, le plus gros défaut de cette excellente voiture sachant se montrer autant sûre, performante que confortable, est son physique peu élégant, moins en tout cas que celui d’une Bentley Flying Spur par exemple, avec laquelle elle partage d’ailleurs le même V8.C’est un détail fâcheux, car la S8 coûte à minima 155 000 €, une somme qui fait tousser à laquelle il faudra rajouter dans notre beau pays 12 500 € de malus, mais aussi depuis 2018 la surtaxe visant les grosses cylindrées, ceci n’incluant pas, bien sûr, le coût d’une carte grise que l’on devine velu. Du coup, à moins d’être fortuné et très motivé pour s’offrir cette S8, on devine aisément que l’essentiel des rares exemplaires vendus en France seront immatriculés par quelques professions libérales en tant que véhicule de société. Bonne pioche, car cette incroyable S8 est assurément plus sympa à l’usage qu’un Kangoo !

Fiche Technique
Audi S8 « 2020 »

  • Moteur : 8 cylindres en V, biturbo, 3996 cm3
  • Puissance maxi (ch à tr/mn) : 571 à 6000
  • Couple maxi (Nm à tr/mn) : 800 de 2000 à 4500
  • Transmission : aux 4 roues (quattro), boîte Tiptronic à 8 rapports
  • Freins : Disques ventilés, étriers à 10 pistons (AV et AR)
  • Dimensions L x l x h (m) : 5,17/1,95/1,47
  • Poids (kg) : 2305
  • Volume du coffre (litres) : 505
  • Pneus AV/AR : 265/35 R 21
  • Vitesse maxi (km/h) : 250 (autolimitée)
  • 0 à 100 km/h (sec) : 3,8
  • Émissions CO2 (g/km) : 260

Les plus

  • Présentation intérieure
  • Performances d’un autre monde
  • Efficacité diabolique
  • Confort, agrément de conduite

Les moins

  • Ligne trop classique
  • Encombrement
  • Prix indigent
  • Pousse au crime !
Avus:
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